Le Nigeria traverse une nouvelle séquence de violences avec une série d’enlèvements. En moins d’une semaine, trois cents quinze élèves et enseignants ont manifestement été enlevés dans une école catholique de l’État du Niger. Deux fidèles ont été abattus dans une église de Kwara lors d’une messe retransmise en direct. Vingt-cinq lycéennes ont disparu dans l’État de Kebbi. Le pays, qui compte deux cent trente millions d’habitants, sombre à nouveau dans l’insécurité.
L’attaque la plus spectaculaire a frappé l’école St Mary de Papiri vendredi dernier. Des hommes armés sont arrivés en pleine nuit. Trois cent trois élèves et douze enseignants ont été emmenés vers une destination inconnue. L’Association des chrétiens du Nigeria a relevé le bilan qui représente presque la moitié des effectifs de l’école comptant six cent vingt-neuf élèves inscrits. Certains ont réussi à s’enfuir dans la confusion. Les autorités ont déployé des unités tactiques de police et des éléments militaires qui ratissent les forêts environnantes.
Quelques jours auparavant, l’église Christ Apostolic d’Eruku a été prise d’assaut mardi soir. Les images diffusées en direct montrent les fidèles interrompant leurs prières, des coups de feu retentissant à l’extérieur. Deux personnes ont été tuées et une autre blessée lors de l’attaque armée, les assaillants pillant les sacs et effets personnels abandonnés sur les bancs. Le secrétaire de l’église parle de trente-cinq personnes enlevées. Un bilan non confirmé par les autorités.
Les groupes responsables restent difficiles à identifier. Personne n’a revendiqué les attaques récentes. Les experts parlent de bandes armées que la population appelle « bandits ». Leur motivation est simple. L’argent. Les rançons constituent une industrie criminelle florissante. Les écoles sont des cibles faciles car elles manquent de sécurité et les parents sont souvent prêts à payer pour retrouver leurs enfants.
Le nord et le centre du pays concentrent l’essentiel des violences. Ces régions abritent plus de vingt États sur les trente-six que compte le Nigeria. Les gangs se cachent dans des forêts denses et des zones montagneuses, hors du contrôle des forces de l’État. Ils surgissent sur des motos ou dans des pickups, tirent en l’air pour terroriser, enlèvent puis disparaissent.
Dans le nord-est, d’autres groupes comme Boko Haram et la Province de l’État islamique en Afrique de l’Ouest mènent une insurrection depuis plus de seize ans. Bref, une géographie de la terreur.
Selon des données du groupe de surveillance ACLED, plus de mille neuf cent vingt-trois attaques contre des civils ont été enregistrées cette année au Nigeria. Plus de trois mille personnes ont été tuées. Les enlèvements d’écoliers sont devenus un cauchemar récurrent depuis l’affaire de Chibok en 2014, lorsque deux cent soixante-seize lycéennes avaient été kidnappées par Boko Haram. Depuis Chibok, plus de mille six cent quatre-vingts élèves ont été enlevés au Nigeria.
Le président Bola Tinubu a annulé ses déplacements en Afrique du Sud et en Angola pour suivre la situation. Il a placé les forces de sécurité en alerte maximum. Enfin, six États du nord ont ordonné la fermeture des écoles. Une mesure temporaire qui témoigne de l’ampleur de la crise. L’armée nigériane, la plus importante d’Afrique subsaharienne, est surmenée. Les bandits et insurgés sont dispersés sur un territoire vaste. Les frappes aériennes tuent des centaines de combattants selon les autorités militaires. Mais sur le terrain, les attaques continuent.
Le Nigeria nie toute persécution religieuse systématique. Les musulmans souffrent autant que les chrétiens de ces violences selon Nnamdi Obasi de l’International Crisis Group. Les tensions ethniques et religieuses existent dans ce pays de deux cents groupes ethniques. Mais la réalité est plus complexe que ne le suggèrent certaines lectures. Les gangs ne font pas de distinction confessionnelle quand il s’agit de rançons. L’argent n’a pas de religion.