Dans un contexte diplomatique tendu avec la France, l’Algérie se tourne résolument vers Berlin pour développer ses ambitions dans le domaine des énergies renouvelables.
Cette réorientation stratégique, loin d’être anodine, s’inscrit dans une vision à long terme où l’Algérie cherche à diversifier ses partenariats internationaux tout en valorisant son immense potentiel énergétique.
La rencontre qui s’est tenue jeudi 13 mars 2025 à Alger entre Noureddine Yassa, secrétaire d’État algérien chargé des énergies renouvelables, et Georg Felsheim, ambassadeur d’Allemagne, illustre parfaitement cette nouvelle dynamique.
Les deux responsables ont examiné l’état d’avancement des projets conjoints, avec une attention particulière portée au développement de l’hydrogène vert, cette énergie considérée comme le carburant du futur dans un monde en quête de décarbonation.
Une alliance renforcée sur fond de tension entre la France et l’Algérie
Ce rapprochement algéro-allemand intervient précisément alors que les relations entre l’Algérie et la France traversent une période particulièrement houleuse.
La reconnaissance par Paris de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en juillet 2024 a déclenché une crise diplomatique majeure entre les deux rives de la Méditerranée.
L’arrestation en novembre dernier de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal n’a fait qu’exacerber les tensions déjà vives.
Le projet phare de cette coopération est sans conteste le « corridor SoutH2 », un ambitieux réseau destiné à acheminer l’hydrogène vert produit en Afrique du Nord vers l’Europe, via l’Italie, l’Autriche et l’Allemagne.
Pour Berlin, ce corridor représente une alternative stratégique aux approvisionnements énergétiques russes, dans un contexte géopolitique européen profondément bouleversé depuis 2022.
L’initiative « TaqatHy » constitue un autre pilier de ce partenariat. Ce programme vise à renforcer les compétences techniques algériennes dans toute la chaîne de valeur de l’hydrogène vert, depuis la production jusqu’au transport.
« L’Algérie s’engage à développer des projets durables qui renforcent sa position comme hub stratégique dans le domaine des énergies propres », a souligné Noureddine Yassa lors de cette rencontre.
Cette coopération énergétique s’inscrit dans la droite ligne des engagements pris par le chancelier allemand Olaf Scholz en novembre 2023, lorsqu’il avait annoncé 4,4 milliards de dollars d’investissements dans l’énergie verte en Afrique d’ici 2030.
Une manne dont l’Algérie entend bien capter une part substantielle, aux côtés du Maroc, de la Tunisie, de l’Égypte et de la Mauritanie.
L’ambassadeur allemand a, quant à lui, réaffirmé « la volonté de son pays de consolider la coopération avec l’Algérie », soulignant « le potentiel considérable qu’offre le secteur énergétique algérien, particulièrement dans le domaine des énergies renouvelables et de l’hydrogène vert ».
Georg Felsheim a également confirmé la disponibilité de l’Allemagne à soutenir les projets algériens par des investissements directs et des partenariats stratégiques à long terme.
Pour Alger, cette alliance avec Berlin offre une double opportunité : développer son potentiel d’énergies renouvelables considérable – le pays jouit de plus de 3000 heures d’ensoleillement par an – tout en affirmant son autonomie diplomatique vis-à-vis de la France.
Dans ce jeu d’équilibre subtil entre histoire coloniale douloureuse et nécessités économiques contemporaines, l’Algérie semble avoir trouvé en l’Allemagne un partenaire dépourvu du passif historique qui plombe encore ses relations avec la France.
Si les relations franco-algériennes ont connu depuis l’indépendance une succession de rapprochements et de crises, la séquence actuelle semble particulièrement critique.
Les contentieux mémoriels non résolus – notamment autour des essais nucléaires français dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966 – s’ajoutent aux désaccords diplomatiques récents pour créer un climat délétère. Face à cette situation, la stratégie algérienne de diversification des partenariats internationaux prend tout son sens.
L’Allemagne, pour sa part, trouve en Algérie un allié précieux dans sa transition énergétique. Confrontée à un défi colossal après sa sortie du nucléaire et sa volonté de réduire sa dépendance aux énergies fossiles, Berlin a un besoin vital d’hydrogène vert pour décarboner son industrie.
Le potentiel solaire et éolien algérien représente ainsi une ressource stratégique pour l’économie allemande en pleine transformation.