La France développe une nouvelle stratégie après avoir perdu ses relations diplomatiques avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Ces pays du Sahel possèdent des ressources naturelles cruciales pour fabriquer des batteries électriques.
Désormais, la France mise sur le recyclage de batteries pour garder les métaux stratégiques en Europe. Cette approche vise à réduire la dépendance vis-à-vis de l’Asie et de l’Afrique.
C’est ainsi que de nouvelles usines de recyclage de batteries automobiles voient le jour en France, dont celle de la start-up Battri inaugurée ce vendredi 20 juin 2025, avec pour objectif de garder en Europe les métaux stratégiques comme le lithium ou le nickel.
Après la suspension des grands projets de recyclage de Suez, d’Eramet ou de Stellantis, Battri a inauguré vendredi dans le Pas-de-Calais sa première usine de prétraitement de batteries usagées ou de rebuts de production de batteries neuves, sur un site de 15.000 mètres carrés.
Elle produira à Saint-Laurent-Blangy de la « black mass », une poudre noire de minéraux et métaux mélangés, premier maillon vers une circularité totale des batteries.
Outre le nickel, le cobalt, le lithium, le manganèse et le graphite contenus dans les batteries, l’usine, qui devient ainsi une sorte de mine urbaine du XXIe siècle, recueillera aussi du cuivre, de l’aluminium, et des polymères.
Le projet de la start-up, qui a levé 20 millions d’euros, remplace pour l’instant deux autres projets industriels annoncés dans le nord également, puis suspendus sans tambour ni trompette fin 2024 par Suez-Eramet d’un côté, et Stellantis associé à Orano de l’autre.
D’autres projets sont dans les starting-blocks comme celui de la start-up lyonnaise Mecaware qui prévoit de s’installer à Béthune pour raffiner des métaux issus de batteries sur le site de l’ex-usine Bridgestone fermée en 2021.
Ou celui du groupe français de traitement des déchets et de recyclage Derichebourg qui a annoncé en mai un partenariat avec le fabricant de batteries coréen LG pour construire une usine de black-mass à Bruyères-sur-Oise (Val-d’Oise).
Ainsi, plutôt que d’importer des matières premières du Burkina Faso, du Mali et du Niger, la France développe une économie circulaire.
Loin de la rupture de la France avec le Mali , le Burkina Faso et le Niger, une question de souveraineté
« Il y a sept ans, il n’y avait aucune usine de batteries électriques en France, c’était des Japonais, des Coréens et des Chinois qui fabriquaient », a rappelé la ministre de la Transition énergétique Agnès Pannier Runacher lors de l’inauguration.
L’usine Battri est située dans la « vallée de la batterie » du nord de la France, tout prêt des usines que le gouvernement a aidé à faire sortir de terre depuis sept ans : ACC, AESC, Verkor et Prologium, notamment Mme Pannier Runacher lorsqu’elle était ministre de l’Industrie.
« Avec ce nouveau site, nous avançons dans la construction d’une filière complète qui va nous permettre au-delà de la fabrication, de recycler les batteries et les déchets des usines de construction de batteries », a-t-elle ajouté, afin à la fois de « réindustrialiser le pays » et « baisser nos émissions de gaz à effet de serre ».
Ces projets sont permis par le nouveau règlement européen sur les métaux critiques (CRMA) entré en vigueur le 23 mai: le recyclage des matières premières critiques contenues dans les batteries des véhicules électriques est désormais facilité.
D’ici à 2030, le CRMA préconise que 25% des métaux critiques soient issus de matières recyclées en Europe, que 40% des métaux critiques importés soient raffinés sur le continent et que 10% soient extraits de mines européennes.
Objectif avoué : tenter de rééquilibrer la souveraineté de l’Europe dans un domaine dominé par la Chine.
Autre élément encourageant: à partir du 18 août une nouvelle filière REP (Responsabilité élargie du producteur, qui signifie l’adoption d’un principe de pollueur-payeur pour le traitement des batteries en fin de vie) sera mise en place pour les batteries automobiles, qui jusqu’à présent n’en avaient pas. Et les déchets deviendront des ressources industrielles.
Avec la nouvelle REP, « on va multiplier par dix l’accès à la ressource », a dit Mme Pannier Runacher.
Pas de clients
Reste qu’il manque des cases en Europe pour atteindre la circularité, c’est-à-dire pour pouvoir produire des batteries neuves à partir de matériaux recyclés.
En particulier, l’Europe manque de producteurs de précurseurs d’anode ou de cathode, les matériaux actifs utilisés pour les batteries, produits à partir de sulfate ou d’hydroxyde de nickel, de cobalt ou de manganèse issus de la black mass, une industrie très majoritairement chinoise.
Lors de la suspension de son projet d’usine hydrométallurgique de recylage de batteries pour véhicules électriques près de Dunkerque en octobre, associé à Suez, le groupe Eramet avait cité le manque de marché en Europe comme principale raison de sa décision.
Raison pour laquelle dans un premier temps Battri, start-up plus agile et aux coûts fixes plus bas que ceux des industriels bien établis, vendra sa black mass aux Etats-Unis ou en Corée, en attendant que des usines de fournisseurs de matières actives, émergent en Europe.
La Commission Européenne espère pouvoir introduire des clauses dans les marchés publics incluant une dimension de recyclage obligatoire dans les batteries produites en Europe, pour pouvoir soutenir l’émergence d’une telle filière industrielle, avait laissé entendre le Commissaire chargé de l’Industrie Stéphane Séjourné en mars, lors d’une visite de l’usine Renault de Douai.
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