L’audit des consommations publiques d’eau et d’électricité révèle un gouffre financier au Gabon. Entre équipements vétustes et piratages du réseau, l’État gabonais paie en effet pour de l’eau et de l’électricité qu’il ne consomme peut-être pas.
Libreville vit au rythme de ses délestages et de ses factures. Pourtant, c’est au cœur même de l’appareil d’État que la saignée énergétique semble la plus profonde. Le Conseil des ministres du 4 décembre 2025 a reçu un rapport technique au goût amer. Il concerne la seule province de l’Estuaire. Les chiffres donnent le vertige. Une anomalie de 84,7 milliards de FCFA a été détectée dans les comptes. L’argent public s’évapore, non pas dans des projets fantômes, mais dans des tuyaux percés et des fils électriques entremêlés.
Un parc technique de distribution d’eau et d’électricité à l’agonie au Gabon
Les équipes chargées de l’inventaire ont arpenté le terrain. Elles ont ouvert les armoires techniques, soulevé les trappes. Le constat matériel précède le désastre comptable. Sur les 276 compteurs d’eau inspectés, 22 % sont déclarés délabrés. Le bilan est identique pour l’électricité : sur 448 boîtiers recensés, près d’un quart, soit 23 %, est hors d’usage.
Ces appareils, censés mesurer la dépense publique, ne tournent plus rond. Certains, trop vieux, sont bloqués. D’autres ont simplement disparu sous la rouille ou la végétation. Dès lors, la facturation devient un exercice de divination. L’État règle des sommes forfaitaires ou estimées, souvent déconnectées de la réalité physique des kilowattheures consommés.
Le chaos des raccordements sauvages
Il ne s’agit pas uniquement de vieillesse. Le rapport pointe une pratique bien plus inquiétante : le piratage institutionnalisé. Des branchements directs, réalisés sans aucun compteur, alimentent des bâtiments administratifs, mais aussi des structures tierces. On voit courir le long des murs ces fils tirés à la hâte, au mépris des normes de sécurité.
Ces raccordements anarchiques créent un risque permanent d’électrisation ou d’incendie. De plus, ils rendent impossible la distinction entre ce qui relève du service public et ce qui sert des intérêts privés greffés sur le réseau de l’État. En conséquence, la facture d’eau a bondi de 18 % en une seule année. Bref, c’est la confusion.
Une facture impossible
L’analyse financière confirme l’absurdité de la situation. Les auditeurs ont isolé des pics de facturation totalement anormaux. Le mois de mai 2023 apparaît comme une montagne de dépenses inexplicables. Le phénomène s’est répété entre juillet et août 2024. Au total, ce sont près de 85 milliards de FCFA qui manquent à l’appel de la logique comptable.
Face à cette hémorragie, le gouvernement a décidé de sévir. Il ne suffit plus de constater. Le Conseil des ministres exige une normalisation immédiate des installations et l’application de mesures coercitives. Il faudra couper les branches mortes et les fils parasites. Pour l’heure, l’eau et l’électricité reste une équation à plusieurs inconnues que le Trésor public tente péniblement de résoudre au Gabon.