À l’approche de l’élection, la mouvance présidentielle béninoise a tranché dans la nuit du 30 au 31 août ; Romuald Wadagni est le successeur désigné de Patrice Talon.
Agé de 49 ans et ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances, il a été choisi par l’Union Progressiste – Le Renouveau (UP-R) et le Bloc Républicain (BR) comme candidat pour la présidentielle de 2026. Cette décision ouvre une nouvelle page politique au Bénin et suscite déjà de nombreuses réactions.
Le choix de Romuald Wadagni par Patrice Talon ne surprend pas totalement les observateurs.
L’actuel ministre d’État, architecte des réformes économiques sous Patrice Talon, incarnera le « joker gagnant » de la majorité face à une opposition contrainte de s’unir selon La Nouvelle Tribune. Cette désignation fait de lui l’héritier officiel du président sortant pour les élections de mars 2026.
Joseph Djogbénou, président de l’UPR et rival potentiel de Wadagni dans la course à la succession, a rapidement apporté son soutien. « Romuald Wadagni est mon candidat » a-t-il déclaré selon La Nouvelle Tribune, montrant ainsi l’unité de la mouvance présidentielle derrière ce choix. Cette réaction contraste avec les spéculations qui faisaient de Djogbénou un concurrent direct pour la candidature.
Le parcours de Romuald Wadagni explique en partie cette désignation. Diplômé de l’École supérieure des affaires de Grenoble et titulaire d’un MBA de la Harvard Business School, il est également expert-comptable certifié en France et aux États-Unis rapporte APAnews. Cette formation d’excellence lui a ouvert les portes de Deloitte, l’un des plus grands cabinets d’audit mondiaux, où il a gravi tous les échelons pendant 17 ans.
Son arrivée au gouvernement en 2016 a été un changement notable dans la gestion économique du Bénin. Nommé ministre de l’Économie et des Finances à seulement 39 ans, il imprime rapidement sa marque par la rigueur budgétaire et l’orthodoxie financière. Ses méthodes, inspirées du secteur privé, surprennent une administration habituée à davantage de souplesse mais séduisent les bailleurs internationaux.
Les résultats économiques plaident en faveur de cette candidature. Sous sa direction, le Bénin est devenu le premier pays d’Afrique francophone classé parmi les champions mondiaux de la transparence budgétaire selon l’Agence Écofin. Sur les marchés financiers, Cotonou a multiplié les opérations inédites : une première émission obligataire internationale en 2018, puis deux euro-obligations historiques en janvier 2021.
La croissance économique reste également soutenue durant son mandat. Le pays a enregistré +3,8% en 2020 malgré la pandémie, puis +7,2% en 2021, avant d’atteindre 6,4% en 2023 et 7,5% en 2024 d’après l’Agence Écofin. Cette performance économique renforce sa crédibilité comme successeur naturel de Patrice Talon.
Cependant, la transition de technocrate à candidat présidentiel soulève des questions. Romuald Wadagni cultive depuis des années la sobriété médiatique et parle peu en public. En 2022, interrogé sur ses ambitions présidentielles, il avait répondu : « Non, ce serait indécent. Je ne fais pas de langue de bois » selon Kpakpato Medias. Cette discrétion pourrait constituer un défi pour mobiliser l’électorat populaire.
L’opposition commence également à réagir à cette désignation. Les Démocrates, principal parti d’opposition, devront désigner leur candidat dans les prochains mois sous la supervision de l’ancien président Yayi Boni. Le parti entend capitaliser sur les chantiers laissés en friche par la gouvernance Talon, notamment sur les questions de démocratie et sociales selon La Nouvelle Tribune.
Les défis qui attendent le futur candidat sont nombreux. D’abord, transformer son expertise économique en adhésion populaire nécessitera un travail politique considérable. Ensuite, il devra rassurer sur les questions sociales car les classes moyennes et populaires attendent des réponses concrètes sur les prix, l’emploi et la redistribution des fruits de la croissance.
La stature régionale de Wadagni pourrait néanmoins jouer en sa faveur. De 2018 à 2020, il a présidé le Conseil des ministres de l’UEMOA et participé aux discussions sur la réforme du franc CFA. Gouverneur du Bénin auprès du FMI et de la Banque mondiale, il s’est distingué par son plaidoyer en faveur de financements climatiques adaptés aux réalités africaines.
Son approche de la dette publique a également marqué les esprits. Contrairement à de nombreux homologues, il a refusé de soutenir l’annulation pure et simple de la dette africaine pendant la pandémie, estimant que cela enverrait un mauvais signal aux marchés. Les faits lui ont donné raison car plusieurs pays ayant obtenu des moratoires ont ensuite subi des dégradations de leurs notes souveraines.
La campagne électorale s’annonce donc particulière avec un candidat technocrate face à une opposition qui devra se structurer rapidement. La mouvance opte pour la jeunesse et la compétence titre 24 Heures au Bénin, résumant ainsi la stratégie de Patrice Talon pour sa succession.
En choisissant Romuald Wadagni, Patrice Talon envoie un signal clair : la continuité économique prime sur tout autre considération.