Les plages de sable blanc du Sénégal bordant l’Atlantique paraissent bien loin des troubles qui ont saisi le pays après l’annonce du report de l’élection présidentielle, mais à Saly, un des hauts-lieux du tourisme sénégalais, la crise se fait sentir selon les habitants.
« Ici c’est très dur le mois de février là, il n’y a pas beaucoup de monde », dit Adjo Fatou Sene, 39 ans, vendeuse de souvenirs sur la plage, pour qui « les gens ont peur de venir ».
Depuis l’annonce le 3 février du report de la présidentielle par le président Macky Sall, puis de la tenue du scrutin le 15 décembre, trois personnes ont été tuées dans des manifestations interdites et réprimées par les forces de sécurité.
L’annulation de l’élection à seulement trois semaines de l’échéance, a entraîné l’une des plus graves crises de l’histoire du Sénégal indépendant, provoquant l’inquiétude internationale et de certains milieux économiques du pays.
En cette période de l’année, les plages de Saly sont généralement pleines de touristes européens venus chercher le soleil.
Mais, affirme Adjo Fatou Sene, cette année, ils sont moins nombreux, « une mauvaise chose ». « Si on ne vend pas, on ne peut pas nourrir nos enfants », déplore-t-elle.
En temps normal, elle gagne en moyenne de 15.000 à 20.000 francs CFA (22,5 à 30 euros) quotidiens, en vendant bijoux, sacs et tissus. Cette année, elle affirme n’empocher que de 2.500 à 5.000 francs CFA (3,8 à 7,6 euros).
Le tourisme, 7% du PIB
En 2022, le tourisme a représenté près de 7% du PIB du Sénégal et environ 8% des emplois, selon le Conseil mondial du voyage et du tourisme. La haute saison court de novembre à fin avril et est essentielle pour les habitants de la côte.
Pape Berenger Ngom, président de l’Association des professionnels de l’hôtellerie et de la restauration du Sénégal, estime que 25 à 30% des réservations ont été annulées dans l’ensemble du pays depuis le déclenchement de la crise politique.
« C’est énorme dans un secteur d’activité comme le tourisme », relève-t-il, dans « beaucoup de zones au Sénégal les gens ne vivent que du tourisme ».
La crise épargne toutefois dans l’immédiat les grands hôtels de Saly.
Les 117 chambres du Royam Hôtel, un quatre étoiles, sont occupées, indique sa gérante, Delphine Oger.
« Demain, je ne sais pas, mais aujourd’hui il n’y aucun impact sur l’arrivée de nos touristes », les gens « ne semblent pas inquiets de ce qu’il se passe. Pas du tout », affirme-t-elle.
Les touristes rencontrés dans ce type d’établissements s’affirment au courant de la situation politique mais sans en avoir été dissuadés de venir. Pour beaucoup, la situation à Dakar, à 90 km de Saly, n’affecte pas la paix et la sécurité des hôtels de cette station balnéaire.
Terre de la « Teranga »
« Il y a une très bonne protection pour les étrangers », affirme Emil Pronk, un Néerlandais de 80 ans, en référence aux gardes et barrières de sécurité à l’entrée des hôtels.
L’image du Sénégal comme havre de stabilité dans une Afrique de l’ouest en proie aux coups d’Etat et la violence jihadiste, l’a aidé à se placer comme une destination de vacances attractive.
Depuis 2014, l’Agence pour la promotion du tourisme met le pays en avant comme Terre de la « Teranga », mot de la langue nationale wolof pouvant se traduire par hospitalité.
Mais des professionnels craignent que la violence actuelle ne ternisse cette réputation.
« La Teranga sénégalaise, elle est tout le temps malmenée chaque fois que les politiciens (…) ne s’entendent pas et c’est le secteur du tourisme qui paye », affirme Mouhamed Faouzou Deme, représentant de plus de 300 acteurs du tourisme.
Les inquiétudes portent essentiellement sur les PME.
« Je reçois peu de monde, seulement les weekends, alors que d’habitude c’est bondé », pointe Daouda Diop, 42 ans dans son restaurant de plage. Il déplore aussi une demande en chute pour les excursions qu’il organise.
En milieu d’après-midi, n’est attablé qu’un couple de retraités corses, des habitués du Sénégal depuis plus de 20 ans.
« J’ai des amis qui devaient venir, mais ils ont annulé car ils ont peur, c’est dommage » parce que « rien ne s’est jamais trop passé ici », affirme Marie-France, 73 ans. « A Dakar peut-être, mais pas à Saly ».
© Agence France-Presse
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