Côte d’Ivoire / Utilisation abusive des gyrophares et des cortèges officiels : Vincent Toh Bi Irié réagit

Côte d'Ivoire Utilisation abusive des gyrophares et des cortèges officiels Vincent Toh Bi Irié réagit

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En Côte d’Ivoire, Vincent Toh Bi Irié a interpellé sur l’utilisation abusive des gyrophares et des cortèges officiels.

« Avez-vous constaté comme moi qu’il y a trop de cortèges officiels et de voitures avec gyrophares à Abidjan et dans le pays ?

On a l’impression que le nombre de personnalités légalement bénéficiaires de ces privilèges a été multiplié par mille. Les règles du Protocole d’État n’ont pas beaucoup changé, mais le nombre de bénéficiaires de certains privilèges a considérablement augmenté.

En plus des Présidents d’Institutions et des Ministres, il se trouve aujourd’hui que des Sénateurs, Députés, Présidents de Conseils Régionaux, Conseillers Économiques et Sociaux, Maires, et même des hauts fonctionnaires et simples Chefs de Services s’arrogent le droit de disposer de gyrophares sur leurs véhicules pour pouvoir passer rapidement dans les embouteillages d’Abidjan.

Même les gbakas d’Abidjan, l’ayant compris, ont acquis des gyrophares. Le temps que vous dégagiez la route pour laisser passer le véhicule derrière vous, qui se signale avec insistance dans vos rétroviseurs avec gyrophares, pensant qu’il s’agit d’un cortège officiel, d’une ambulance ou d’un véhicule du GSPM, c’est un gbaka équipé qui fonce droit avec des passagers et vous prend la priorité.

J’ai même vu dans un quartier supposé huppé d’Abidjan des jeunes d’une importante communauté non nationale s’amuser à faire des cortèges avec sirènes et gyrophares la nuit, juste pour le plaisir. Si vous ne respectez pas les règles de votre pays, ceux qui vivent chez vous ne les respecteront pas non plus. Et ils finiront par ne pas vous respecter vous-mêmes.

Je n’ai jamais vu autant de véhicules avec gyrophares et de cortèges officiels qu’en Côte d’Ivoire.

Ce n’est pas aux officiels ou aux autorités de repousser sur le bas-côté de la route les masses laborieuses grâce à leurs gyrophares et sirènes, pour arriver les premiers au travail, à l’Église, à la Mosquée, à la plage, au restaurant, ou à la maison. Il faut simplement améliorer les conditions de fluidité routière pour tout le monde.

À l’époque d’Houphouët-Boigny, il n’y avait que lui et quelques rares Présidents d’Institutions qui avaient droit aux cortèges officiels, aux gyrophares et aux sirènes.

Même les Préfets et Sous-Préfets, qui, selon les règles classiques du Protocole d’État, sont les seuls à pouvoir circuler avec le drapeau de la République et des cortèges officiels, ne le font pas.

Mais les autorités dont ils assurent souvent la hiérarchie se donnent accès à des préséances protocolaires. Ça fait désordre dans la République.

Sur l’autoroute, sur les routes nationales, ce sont de hauts fonctionnaires et même des gens du privé qui utilisent leurs gyrophares pour arriver dans leurs villages avant tout le monde, auréolés de gloire.

Quand j’étais en fonction, un Monsieur qui s’est certainement trompé d’interlocuteur est venu me demander, pour des raisons de sécurité personnelle, de lui octroyer deux gardes du corps et un cortège.

Moi-même, à qui tu fais cette requête, et qui, dans le cadre de mes responsabilités officielles, prends des décisions impopulaires et deviens par conséquent une cible potentielle de groupes sociaux mécontents, je n’ai ni cortège ni gardes du corps. Et c’est toi, grand inconnu dans la République, qui veux avoir les mêmes privilèges que le sommet de l’État.

Si vous n’empêchez pas les citoyens de bénéficier de privilèges auxquels ils n’ont pas droit, vous consolidez leurs privilèges illégaux et illégitimes, qui deviennent des droits acquis au bout de quelque temps. Quand vous voudrez, demain, leur appliquer un fonctionnement normal, ils trouveront que vous leur enlevez des privilèges naturels auxquels ils ont toujours eu droit.

Pareillement, si vous laissez des populations s’installer impunément dans les bas-fonds, dans des talwegs, dans des zones non constructibles ou sur des terrains stratégiques réservés de l’État, vous aurez des problèmes pour les en déguerpir demain, car après 5 ou 10 ans, ils seront convaincus que ces occupations et terrains illégaux sont une propriété familiale à transmettre de génération en génération.

Quand vous chercherez à les déguerpir, il se posera de grands problèmes sociaux et politiques. Il est évidemment plus facile de dépenser quelques millions de francs pour empêcher l’occupation par des populations de domaines publics ou interdits que de payer des dizaines de milliards de francs pour indemniser des personnes brutalement dépossédées de terrains auxquels ils n’avaient d’ailleurs pas droit.

Il en est de même pour certains privilèges de la République que s’arrogent des personnes qui n’y ont pas droit. Si j’écris cette chronique, qui est loin d’être anecdotique, c’est pour attirer l’attention sur le fait que si notre vie politique est si difficile et compliquée en Côte d’Ivoire, si nos élections sont si chaotiques et calamiteuses, ce n’est pas toujours parce qu’il y a des Malinkés, des Bétés et des Baoulés, le Sud, le Centre, l’Ouest et le Nord. C’est aussi à cause du besoin d’accès aux privilèges et opportunités que confère une position politique.

Les pulsions, ambitions et désirs personnels passent alors sous l’habillage de problèmes ethniques et régionaux dont s’empare le toujours naïf petit peuple pour un combat par procuration au bénéfice d’assoiffés de privilèges », a-t-il affirmé sur sa page Facebook.