En Côte d’Ivoire, la Cour suprême s’est déclarée incompétente dans l’affaire opposant la commune de Yamoussoukro contre la Coopérative Baliheyiblin.
Le contexte du litige
Un litige opposait la commune de Yamoussoukro à la Coopérative Agricole des Vivriers Baliheyiblin devant la Cour d’appel de Bouaké.
La commune contestait l’arrêt rendu le 12 mars 2014, estimant que les juges d’appel avaient mal appliqué deux textes essentiels sur l’organisation de la capitale politique.
Elle soutenait que la Cour d’appel avait méconnu la loi du 22 mars 1983 qui transfère officiellement la capitale d’Abidjan à Yamoussoukro, ainsi que le décret du 19 mars 1997 qui approuve le plan d’urbanisme directeur de la ville et déclare d’utilité publique une partie de son périmètre.
S’estimant lésée, la commune a donc formé un pourvoi en cassation le 20 juin 2014 pour faire annuler cet arrêt.
Le dossier a été transmis à la Chambre judiciaire de la Cour suprême, qui devait vérifier si la Cour d’appel avait effectivement commis une erreur de droit.
Cependant, avant d’examiner le fond du dossier, la Cour suprême devait répondre à une question préalable : était-ce la bonne Chambre qui devait juger l’affaire ?
Côte d’Ivoire : la Cour suprême se dit incompétente pour traiter l’affaire de Yamoussokro
La Cour suprême a rappelé que la compétence dépend de la nature des parties au litige. Elle cite l’article 54 de la loi du 16 août 1994, selon lequel la Chambre administrative est compétente pour juger les pourvois qui concernent des procédures impliquant une personne morale de droit public.
Or, la commune de Yamoussoukro est une personne morale de droit public. La Cour souligne donc qu’en vertu de ce texte, la Chambre judiciaire ne peut pas instruire ce recours.
Elle explique clairement qu’« il y a lieu de se déclarer incompétente pour statuer en la cause au profit de la Chambre Administrative ».
Autrement dit, même si la commune affirmait que la Cour d’appel avait violé la loi et manqué de base légale, la Cour suprême ne pouvait pas examiner ces arguments.
La première question est toujours de vérifier si la Chambre saisie est la bonne. Et dans ce cas, la loi impose que les litiges impliquant une collectivité territoriale soient examinés par la Chambre administrative.
La décision clôt donc la procédure devant la Chambre judiciaire, qui renvoie l’affaire devant la Chambre administrative. Les dépens sont laissés à la charge du Trésor public.
En somme, la Cour suprême n’a pas tranché le fond du litige opposant la commune de Yamoussoukro à la Coopérative Baliheyiblin.
Elle a simplement rappelé une règle essentielle : lorsqu’une collectivité publique intente un pourvoi, seule la Chambre administrative est compétente pour le juger. L’affaire devra donc être réexaminée, mais devant la juridiction spécialisée.
Côte d’Ivoire, Cour suprême, 09 juillet 2015, 462
COUR SUPREME, CHAMBRE JUDICIAIRE,
N°462/15 DU 09 JUILLET 2015
Vu l’exploit de pourvoi en cassation du 20 Juin 2014 ;
Vu le mémoire en réponse produit ;
Vu les conclusions écrites du 20 mai 2015 du Ministère public ;
SUR LA COMPÉTENCE DE LA CHAMBRE JUDICIAIRE
Attendu que par l’exploit susvisé, la commune de Yamoussoukro a formé pourvoi, en cassation de l’arrêt n° 41 du 12 mars 2014 de la Cour d’Appel de Bouaké, dans le litige l’opposant à la Coopérative Agricole des Vivriers Baliheyiblin, en faisant grief à ladite Cour d’avoir, d’une part, violé la loi n ° 83-242 du 22 mars 1983, portant transfert de la capitale d’Abidjan à Yamoussoukro, et le décret n° 97-177 du 19 mars 1997, approuvant le Plan Urbanisme Directeur de la ville de Yamoussoukro et déclarant d’utilité publique le périmètre du projet d’urbanisation de la ville de Yamoussoukro, d’autre part, manqué de donner une base légale à sa décision, par absence, insuffisance, obscurité ou contrariété des motifs ;
Attendu qu’aux termes de l’article 54 de la loi n° 94-440 du 16 Août 1994, déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour Suprême, la Chambre Administrative connaît des pourvois en cassation dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort dans les procédures où une personne morale de droit public est partie ;
Attendu, en l’espèce, que la Commune de Yamoussoukro étant une personne morale de droit public, il y a lieu de se déclarer incompétente pour statuer en la cause au profit de la Chambre Administrative, en application du texte précité ;
PAR CES MOTIFS
Et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi,
Se déclare incompétente au profit de la Chambre Administrative ;
Laisse les dépens à la charge du Trésor Public ;
Ordonne la transcription du présent arrêt sur les registres du greffe de la Cour d’Appel d’Abidjan ainsi que sur la minute de l’arrêt entrepris ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour Suprême, Chambre Judiciaire, Formation Civile, en son audience du neuf juillet deux mil quinze ;
Où étaient présents : MM. SIOBLO Douai Jules, Conseiller à la Chambre Judiciaire, Président-Rapporteur, OULAÏ Bah Jules et DIALLO Mahammadou, Conseillers :
Maître GOIN Bi Zamblé, Greffier ;
Source : La jurisprudences de Côte d’Ivoire