Trente-deux personnes ont été condamnées cette soirée du mardi 21 octobre 2025 en Côte d’Ivoire à trois ans de prison ferme pour avoir participé à une manifestation interdite plus tôt ce mois-ci, une décision qui intervient dans un climat politique tendu, à quatre jours de la présidentielle.
Elles ont été condamnées pour « troubles à l’ordre public » et « attroupement sur la voie publique ». Huit autres ont été relaxées.
Les deux principaux partis d’opposition appellent depuis le début du mois leurs militants à manifester pour dénoncer l’exclusion de leurs dirigeants, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, ainsi que pour contester la candidature à un quatrième mandat d’Alassane Ouattara.
Des manifestations interdites par les autorités qui évoquent des risques de troubles à l’ordre public.
Quelque 700 personnes ont été arrêtées dans le pays pour avoir participé à des marches interdites ou tenté de bloquer des localités, certaines pour des actes assimilables à des « actes de terrorisme », selon le procureur de la République, Oumar Braman Koné.
« La liberté de manifester ne saurait être confondue avec le désordre », a déclaré mardi soir la procureure au tribunal d’Abidjan qui avait requis trois ans de prison.
La défense avait déploré l’absence de preuves de troubles à l’ordre public, tandis que tous les accusés avaient nié avoir participé à la manifestation du 11 octobre à Abidjan, rapidement dispersée à coups de gaz lacrymogène. Ils ont assuré d’avoir été arrêtés alors qu’ils allaient faire des courses ou au travail.
« Nous allons faire dès demain appel de cette décision que nous trouvons injuste, parce que toute l’instruction a démontré que les personnes qui étaient présentées à la barre n’ont pas été appréhendées sur le parcours de la marche », a déclaré Me Roselyne Serikpa, l’une des avocates de la défense, après le jugement.
La semaine dernière, une trentaine d’autres manifestants avaient écopé de la même peine.
Depuis une semaine, des barrages sur des routes ou des tentatives de marches ont été observées dans plusieurs villes, souvent dans d’anciens bastions de l’opposition, dans le sud et l’ouest.
Trois personnes sont mortes dans le pays, deux manifestants et un gendarme.
Lundi, un bâtiment de la Commission électorale indépendante (CEI) a été incendié dans la capitale politique Yamoussoukro.
– « Cadre répressif » –
Plus tôt dans la journée, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI, principale formation d’opposition) de M. Thiam, a dénoncé lors d’une conférence de presse « un cadre répressif qui vise à étouffer l’opposition ».
Calice Yapo, l’un des porte-parole adjoints du parti, a appelé le pouvoir à un dialogue politique « plus que jamais urgent et important » et demandé au peuple de se « mobiliser pacifiquement ».
Plusieurs ONG, locales et internationales, ont dénoncé les interdictions de manifester, mais le gouvernement a répondu que ces marches revêtaient un « caractère subversif » et étaient marquées par « une violence incompatible avec les exigences de la loi ».
44.000 membres des forces de l’ordre ont été déployés sur tout le territoire pour la période électorale et les autorités assument vouloir « protéger du désordre » le pays.
En 2020, 85 personnes étaient mortes dans des affrontements avant et pendant l’élection présidentielle, remportée par Alassane Ouattara.
« Du fait de l’absence de candidats importants de l’opposition et du fait à nouveau de l’absence de conditions consensuelles pour l’élection, on a beaucoup de crispations », pointe Gilles Yabi, fondateur du groupe de réflexion ouest-africain Wathi.
Cette année, si MM. Gbagbo et Thiam ont été mis à l’écart par des décision de justice, quatre candidats défient le président, au 1er tour samedi.
Il s’agit de l’ex-ministre du Commerce Jean-Louis Billon, dissident du PDCI ; deux anciens compagnons de route de Laurent Gbagbo en rupture avec lui, son ex-épouse Simone Ehivet Gbagbo et l’ex-ministre Ahoua Don Mello ; et enfin Henriette Lagou, déjà candidate en 2015.
Avec AFP