En 2011, au sortir d’une crise postélectorale meurtrière, l’école ivoirienne gisait, exsangue. Des bâtiments délabrés, des classes surchargées, un accès limité pour les filles, et des disparités criantes entre zones urbaines et rurales. Le tableau était sombre. Aujourd’hui, le paysage éducatif a changé de visage.
« La priorité en la matière était la réalisation d’infrastructures scolaires, à savoir la construction d’écoles et de salles de classe pour absorber la quasi-totalité des élèves de Côte d’Ivoire », indiquent les services du ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation dans un rapport récent.
La révolution s’est d’abord manifestée par le béton. Depuis 2011, ce sont 608 collèges et lycées publics qui ont émergé du sol ivoirien, triplant ainsi le nombre d’établissements secondaires construits depuis l’indépendance en 1960. Pour la seule rentrée scolaire 2024-2025, 114 nouveaux collèges publics ont ouvert leurs portes.
Les chiffres donnent le vertige : 39 448 nouvelles salles de classe, 52,7 millions de kits scolaires distribués. Sous ces statistiques, se dessine une volonté politique de rupture avec un passé où l’éducation était le privilège d’une minorité.
Le problème des écoles en matériaux précaires, héritage d’un passé où les communautés palliaient tant bien que mal l’absence de l’État, connaît une régression notable. De 19 197 salles en paille ou matériaux de fortune en 2011, leur nombre est tombé à 7 970 en 2023, soit une baisse de 58,5%. Toutefois, ces structures représentent encore près de 4% des salles de classe du pays.
L’effort a également porté sur la féminisation de l’éducation. Les filles, autrefois marginalisées dans l’accès aux études, bénéficient désormais d’une attention particulière. L’indice de parité par sexe du Taux Brut de Scolarisation au primaire s’est inversé en leur faveur, passant de 0,86 en 2011 à 1,07 en 2024.
La construction de 296 collèges de proximité a contribué à réduire les distances à parcourir, facteur déterminant de décrochage scolaire pour les jeunes filles. En parallèle, 15 lycées d’excellence avec internat, pouvant accueillir chacun 1 000 élèves, sont en construction pour les jeunes filles, dont 10 déjà achevés. Une révolution quand on sait qu’en 50 ans d’existence, la Côte d’Ivoire ne comptait que 4 lycées d’excellence féminins.
Mais l’infrastructure ne fait pas tout. La qualité de l’enseignement fait également l’objet d’une réforme profonde. Suite aux États Généraux de l’Éducation Nationale et de l’Alphabétisation, les programmes scolaires sont en cours de révision pour intégrer notamment l’enseignement des technologies de l’information et de la communication.
Le projet d’amélioration de la prestation des services éducatifs, soutenu par la Banque mondiale, a permis à plus de 63 000 enfants des classes de CP1, CP2 et CE1, dont près de 32 000 filles, d’améliorer leur niveau en lecture-écriture et en mathématiques.
Malgré ces avancées, des défis subsistent. La qualité de l’enseignement reste inégale selon les régions, et les écoles en matériaux précaires n’ont pas totalement disparu du paysage éducatif ivoirien. La formation continue des enseignants et l’adéquation entre formation et emploi demeurent des chantiers ouverts.
Pour parachever cette transformation, un Programme National de Réhabilitation des Infrastructures Scolaires est en cours d’élaboration, avec l’ambition de traiter définitivement le stock restant de salles de classe en matériaux précaires.
La Côte d’Ivoire, qui affiche l’une des croissances économiques les plus dynamiques d’Afrique subsaharienne depuis une décennie, avec 8,2% en moyenne sur la période 2012-2019, mise sur l’éducation comme levier de sa transformation structurelle. Du statut d’exportateur de matières premières, le pays aspire à devenir un acteur incontournable des chaînes de valeur mondiales. Un projet ambitieux qui commence sur les bancs de l’école.