Le président turc Recep Tayyip Erdogan a annoncé ce dimanche 23 novembre 2025 qu’il s’entretiendrait ce lundi par téléphone avec son homologue de la Russie, Vladimir Poutine, pour évoquer les efforts de paix en Ukraine. Il compte également demander au président russe de relancer l’accord sur les exportations de céréales via la mer Noire, suspendu depuis juillet 2023. Cette initiative intervient en marge du sommet du G20 à Johannesburg, où Erdogan a tenu une conférence de presse.
La Turquie maintient des relations avec Kiev et Moscou depuis le début du conflit en février 2022. Ankara fournit une aide militaire à l’Ukraine tout en refusant de rejoindre les sanctions occidentales contre la Russie. Le pays a déjà accueilli trois séries de pourparlers entre les parties belligérantes à Istanbul au printemps 2022. Enfin, il faut noter que ces négociations avaient fait naître un espoir avant d’être abandonnées.
Une médiation renouvelée
Erdogan avait reçu Volodymyr Zelensky à Ankara le 19 novembre. Lors de cette rencontre, le président turc avait exhorté les deux parties à retourner à la table des négociations à Istanbul. « Demain, je m’entretiendrai par téléphone avec M. Poutine », a déclaré Erdogan selon 20 Minutes. « Nous ferons tout notre possible pour ouvrir la voie à la paix ».
Le président turc a précisé qu’il discuterait avec Poutine des mesures pour « arrêter les morts ». Il a ajouté qu’il partagerait ensuite les résultats de cet échange avec ses partenaires européens, Donald Trump et d’autres alliés. Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a confirmé dimanche que l’entretien téléphonique aurait bien lieu le 24 novembre.
Cette relance diplomatique survient alors que des discussions se tiennent à Genève sur le plan américain visant à mettre fin au conflit. Le document en 28 points présenté par l’administration Trump fait l’objet de critiques de la part de Kiev et de plusieurs capitales européennes. Donald Trump a fixé un délai jusqu’au 27 novembre pour obtenir une réponse de l’Ukraine.
L’accord céréalier au cœur des préoccupations
L’Initiative céréalière de la mer Noire avait été signée le 22 juillet 2022 à Istanbul sous l’égide de la Turquie et des Nations unies. L’accord avait permis l’exportation sécurisée de près de 33 millions de tonnes de céréales ukrainiennes malgré la guerre. Trois ports ukrainiens – Odessa, Tchornomorsk et Pivdenny – avaient ainsi pu reprendre leurs activités.
La Russie s’est retirée de cet accord en juillet 2023. Moscou invoquait des obstacles à ses propres exportations alimentaires et d’engrais, notamment des restrictions sur les paiements, la logistique et l’assurance. Le gouvernement russe estimait que les clauses prévues dans l’accord pour faciliter ses exportations n’avaient pas été respectées par les Occidentaux.
Erdogan a rappelé lors de sa conférence de presse que l’accord céréalier visait à ouvrir la voie à une résolution pacifique de la guerre. « Nous avons pu réussir cela jusqu’à un certain point, mais cela n’a pas perduré ». « Désormais, lors des discussions que nous aurons demain, je redemanderai cela à M. Poutine. Je pense qu’il serait très bénéfique de pouvoir relancer ce processus ».
Un contexte géopolitique tendu
Le plan américain proposé par Donald Trump reprend plusieurs exigences russes. Le document prévoit que l’Ukraine cède les territoires actuellement occupés à la Russie, se retire des régions qu’elle contrôle encore dans les provinces de Lougansk et Donetsk, renonce à intégrer l’OTAN et réduise ses forces armées. Ces conditions suscitent l’inquiétude à Kiev et dans plusieurs chancelleries européennes.
Marco Rubio, secrétaire d’État américain, a déclaré dimanche à Genève que des « progrès substantiels » avaient été réalisés après une rencontre avec la délégation ukrainienne. Il a précisé que le nombre de points divergents avait été réduit, tout en reconnaissant que des désaccords subsistaient. « Rien n’est insurmontable », a-t-il estimé.
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a affirmé que le rôle « central » de l’Union européenne devait être « pleinement reconnu » dans tout plan de paix sur l’Ukraine. Des conseillers à la sécurité nationale de la France, de l’Allemagne et du Royaume-Uni participent aux discussions de Genève aux côtés des délégations ukrainienne et américaine.
Bref, la médiation turque s’ajoute aux efforts diplomatiques en cours. La Turquie, membre de l’OTAN, joue un rôle particulier dans ce conflit en maintenant le dialogue avec les deux parties. Le pays avait déjà négocié un échange de prisonniers entre la Russie et l’Ukraine en septembre 2022, démontrant sa capacité à servir de canal de communication.
Le blocus naval russe en mer Noire a aggravé la crise alimentaire mondiale en 2022. Les prix des céréales avaient atteint des sommets avant la signature de l’accord en juillet de la même année. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture avait constaté une baisse de 11,6% des prix alimentaires mondiaux entre juillet 2022 et juillet 2023, grâce notamment à la reprise des exportations ukrainiennes.
Erdogan n’a pas commenté directement les détails du plan américain lors de sa conférence de presse à Johannesburg. Il a simplement appelé à mobiliser tous les efforts diplomatiques pour parvenir à une paix « juste et durable » en Ukraine. Le président turc estime que la reprise des discussions à Istanbul pourrait contribuer à cette démarche, reprenant ainsi la proposition qu’il avait formulée lors de la visite de Zelensky à Ankara.
La guerre en Ukraine dure depuis près de quatre ans. Les combats se poursuivent dans l’est du pays, notamment dans la région de Pokrovsk, et dans le sud, dans la région de Zaporijjia. Moscou a intensifié ses attaques aériennes contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes ces dernières semaines, contraignant des millions de civils à faire face à des coupures d’électricité prolongées.