Comment le Kenya peut-il créer plus d’emplois et renforcer sa productivité grâce à des réformes ?

Burkina Faso, le Mali, la Côte d'Ivoire et le Ghana

Crédit photo : Contrepoints

POINTS SAILLANTS DE L’ARTICLE

  • Des réformes procompétitives dans les secteurs clés peuvent stimuler la croissance du produit intérieur brut (PIB) du Kenya de 1,35 point de pourcentage par an et débloquer une expansion de la production indispensable.
  • Les réformes favorisant la compétitivité peuvent catalyser la création d’emplois plus nombreux et mieux rémunérés dans l’économie, ce qui équivaut à près de 400 000 emplois par an au salaire moyen.
  • Les priorités à fort impact comprennent l’établissement d’une neutralité concurrentielle entre les entreprises publiques et privées, la réduction des obstacles au commerce et à l’investissement, et la suppression des restrictions réglementaires à la concurrence dans les secteurs d’intrants critiques tels que l’électricité, les télécommunications et les engrais.

En 2024, sur les 782 300 nouveaux emplois créés au Kenya, 90 % se trouvaient dans l’économie informelle, contre 84 % en 2014. Cela pose un défi à plusieurs niveaux : faible productivité, insuffisance des filets de sécurité sociale (comme les régimes de retraite et la couverture médicale) pour une population active croissante, et revenus imprévisibles qui rendent les ménages vulnérables aux chocs émergents.

D’après le dernier rapport de la Banque mondiale, intitulé « Des obstacles aux ponts : des réformes procompétitives pour la productivité et l’emploi au Kenya » , la capacité du pays à créer des emplois dans le secteur formel s’est détériorée au cours de la dernière décennie. L’environnement des affaires est devenu de plus en plus difficile et les entreprises ont cherché des moyens de mieux maîtriser leurs frais généraux.

Alors que le pays s’efforce de définir sa stratégie, une combinaison de politiques qui permettra de débloquer la création d’emplois dans le secteur formel, en s’attaquant aux obstacles qui entravent la création d’un secteur privé dynamique et compétitif, devrait être une priorité absolue.

D’après le rapport, les réformes favorisant la concurrence devraient être une priorité pour le Kenya afin de relever les défis structurels auxquels sont confrontés son économie et son marché du travail. Une concurrence plus forte fait baisser les prix pour les consommateurs, ce qui stimule la demande de biens et de services et de main-d’œuvre. Elle ouvre également la voie à des investissements des entreprises qui améliorent la productivité, entraînant une hausse des salaires et la croissance des entreprises, créatrices d’emplois.

Les impacts pourraient être transformateurs :

  • Des réformes procompétitives dans des secteurs clés des services tels que l’électricité, les transports, les télécommunications et les services professionnels pourraient accroître le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) du pays de 1,35 point de pourcentage, débloquant ainsi une expansion de la production indispensable. Si cette expansion se maintient sur le long terme, elle améliorerait progressivement le revenu par habitant, le niveau socio-économique et permettrait au Kenya de passer du statut de pays à revenu intermédiaire inférieur à celui de pays à revenu intermédiaire supérieur.
  • Les réformes joueraient également un rôle de catalyseur dans la création d’emplois de qualité. Si elles étaient pleinement mises en œuvre, elles pourraient accroître la croissance annuelle des rémunérations du travail de 2 points de pourcentage, soit l’équivalent de plus de 400 000 emplois par an au salaire moyen actuel du pays.

Alors, que peut faire concrètement le Kenya pour impulser des réformes favorisant la compétitivité et renforcer la création d’emplois au sein de l’économie formelle ?

  • À l’échelle de l’économie, plusieurs interventions pourraient contribuer grandement à créer un environnement favorable à la concurrence afin d’obtenir des résultats optimaux dans l’économie et sur le marché du travail kenyans :
  • Bien que les entreprises publiques jouent un rôle essentiel dans l’économie du pays, leur accès récurrent aux subventions publiques crée involontairement une concurrence déloyale avec les entreprises privées, ce qui nuit à la compétitivité sur les marchés où elles opèrent. Le gouvernement devrait améliorer le ciblage et la priorisation des aides financières et des garanties de prêts accordées aux entreprises publiques en fonction de leur impact et des besoins liés aux obligations de service public. À cet égard, le projet de loi de 2025 sur les entreprises publiques, qui vise à transformer ces entités en sociétés anonymes et à optimiser leur fonctionnement, constitue un pas dans la bonne direction. Au-delà de son adoption, une mise en œuvre rigoureuse sera indispensable.
  • Des restrictions importantes persistent au Kenya en matière d’investissements et de commerce étrangers. Réévaluer des mesures telles que les restrictions sur la participation étrangère au capital et les barrières non tarifaires permettrait d’améliorer l’accès du Kenya aux intrants essentiels, aux technologies et aux meilleures pratiques internationales. Par ailleurs, il est crucial de tirer parti de la dynamique liée à la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).

Au niveau sectoriel, des interventions ciblées pourraient radicalement changer la donne et libérer la compétitivité créatrice d’emplois au Kenya. Par exemple :

  • Dans le secteur agricole, pilier de l’économie kényane, l’amélioration du programme de subventions aux engrais devrait être une priorité absolue. Le programme actuel accorde à un petit nombre d’importateurs et de distributeurs l’exclusivité de la vente de quelques types d’engrais prédéfinis à prix fixes. Une participation plus large et plus souple du secteur privé permettrait de réduire les coûts de transport pour les agriculteurs, de tirer parti des signaux du marché pour orienter les choix de produits vers des produits plus adaptés et d’optimiser les dépenses publiques. Par exemple, des principes de concurrence pourraient être introduits afin de sélectionner les entreprises participant au programme et de définir le niveau des subventions. Le gouvernement pourrait également envisager l’émission de bons électroniques que les agriculteurs ciblés pourraient utiliser à la place d’espèces pour l’achat d’intrants et dans les points de vente de leur choix.
  • La concurrence pourrait être mise à profit pour lutter contre le coût élevé de l’énergie, qui demeure un frein majeur à la croissance du secteur privé au Kenya. Accroître la transparence dans l’approvisionnement en électricité grâce à des procédures concurrentielles pour les contrats d’achat d’électricité (CAE) constituerait une avancée significative. La levée du moratoire sur les nouveaux CAE par l’Assemblée nationale le 13 novembre 2025 représente un pas important dans cette direction. Autre évolution positive : la Politique d’appel d’offres pour les énergies renouvelables (REAP), qui impose au ministère de l’Énergie et à l’Autorité de régulation de l’énergie et du pétrole de mettre en œuvre des procédures d’appel d’offres concurrentielles pour les nouveaux projets énergétiques. Enfin, la pleine application des dispositions de la loi sur l’énergie de 2019 relatives à l’accès ouvert permettrait aux producteurs d’électricité de s’adresser directement aux consommateurs, accélérant ainsi la croissance du secteur florissant de l’électricité commerciale et industrielle au Kenya.
  • Le secteur des télécommunications a joué un rôle essentiel dans la croissance économique du Kenya, le développement de la connectivité et l’approfondissement de l’inclusion financière formelle à travers le pays. Toutefois, des lacunes persistent concernant le coût des données, l’utilisation d’Internet par les particuliers et l’adoption des technologies numériques par les entreprises. Il est nécessaire de renforcer la réglementation des acteurs dominants, de mettre à jour les règles relatives au partage des infrastructures, à la gestion des fréquences radio et à l’interconnexion, et de combler les lacunes des cadres régissant les marchés numériques. Ces mesures permettraient d’éviter des blocages excessifs du marché et de réduire les coûts pour les consommateurs.

Les récents développements indiquent que le Kenya ne manque pas de législations favorables à la concurrence, susceptibles de stimuler la productivité et de favoriser la création d’emplois dans le secteur formel. Accélérer le rythme des réformes est essentiel pour bâtir une économie plus juste, plus dynamique et mieux à même de créer des emplois à la hauteur des talents kenyans.

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