La République démocratique du Congo, géant africain détenant près de 75% de la production mondiale de cobalt, vient de prendre une décision radicale qui ébranle le marché international des matières premières.
En effet, depuis le 22 février 2025, toute exportation de cobalt est suspendue pour une période de quatre mois, selon l’annonce officielle de Patrick Luabeya, président de l’Autorité de Régulation et de Contrôle des Marchés des Substances Minérales Stratégiques (ARECOMS).
Cette mesure intervient dans un contexte de surproduction et d’effondrement des cours mondiaux du cobalt.
Les raisons derrière la décision de la RDC sur le cobalt
Le ministère des Mines congolais précise que cette suspension vise « à renforcer la traçabilité et le contrôle de la chaîne d’approvisionnement et à promouvoir la transformation locale du minerai ». En arrière-plan de cette décision se dessine une volonté claire de reprendre le contrôle d’un marché déséquilibré par une offre devenue excédentaire.
L’excès d’offre s’explique principalement par deux phénomènes convergents : d’une part, l’exploitation minière illégale échappant à la régulation étatique, et d’autre part, l’expansion significative des activités extractives industrielles, notamment celles du groupe chinois CMOC qui a considérablement intensifié l’exploitation de deux grandes mines congolaises.
Le cobalt congolais se trouve d’ailleurs au cœur d’enjeux stratégiques mondiaux majeurs.
Ce minerai, indispensable à la fabrication des batteries lithium-ion équipant smartphones, ordinateurs portables et véhicules électriques, constitue également un composant essentiel des superalliages utilisés dans l’aéronautique et la défense.
Sa résistance aux hautes températures et ses propriétés électrochimiques en font une ressource critique à l’heure où la transition énergétique s’accélère mondialement.
Il faut aussi savoir que la décision congolaise s’inscrit pareillement dans un contexte complexe marqué par la forte emprise chinoise sur les ressources minérales congolaises.
Face à cette mainmise, le gouvernement de Félix Tshisekedi semble vouloir diversifier ses partenariats internationaux.
Des sources diplomatiques évoquent des discussions avec les États-Unis et l’Union européenne concernant un accès privilégié aux ressources naturelles du pays en échange d’un soutien diplomatique dans les tensions régionales.
La suspension des exportations risque d’avoir des répercussions considérables sur l’industrie mondiale.
Les constructeurs automobiles engagés dans l’électrification de leurs gammes pourraient être les premiers affectés par ce gel temporaire des approvisionnements.
Pour la RDC elle-même, ce moratoire représente un pari économique audacieux. En réduisant artificiellement l’offre mondiale, le pays espère provoquer une remontée des cours qui bénéficiera à son économie une fois les exportations reprises.
Toutefois, cette stratégie pourrait aussi accélérer les recherches sur des batteries sans cobalt, diminuant potentiellement à terme la dépendance mondiale envers cette ressource.
Cette suspension intervient par ailleurs dans un contexte sécuritaire tendu, alors que le conflit dans l’est du pays s’intensifie. Selon la Première ministre Judith Suminwa Tuluka, les hostilités ont coûté la vie « à plus de 7.000 personnes » depuis janvier, majoritairement des civils.
Si l’interdiction d’exportation s’applique sans exception à tous les producteurs de cobalt, elle ne concerne pas les autres minerais comme le cuivre, également extrait en quantités importantes dans le pays. L’ARECOMS a précisé que cette mesure pourrait être réexaminée dans trois mois, laissant entrevoir une possible adaptation en fonction de l’évolution du marché international.