A quelques exceptions près, comme la mauvaise moisson de blé en France, la production mondiale de céréales et d’oléagineux s’annonce généreuse cette année, ce qui fait chuter leurs prix mondiaux et oublier les pics historiques d’il y a deux ans.
La perspective de récoltes abondantes se profile déjà depuis plusieurs semaines. La publication, le lundi 11 août 2024, du rapport mensuel du ministère américain de l’Agriculture sur l’état des récoltes dans le monde (Wasde), qui fait référence dans le secteur, a enfoncé le clou.
Selon ces estimations, la production mondiale de blé pour la campagne 2024/2025 est attendue à 798 millions de tonnes, celle de maïs à près de 1,22 milliard de tonnes et celle de soja à 429 millions de tonnes.
Par rapport à la campagne 2014/2015, c’est environ 10% de blé en plus, 20% de maïs et 34% de soja.
Les cours ont reculé dans la foulée, près de leurs plus bas niveaux depuis 2020 à Chicago.
A Paris, le prix du blé tendre est passé de 217 euros la tonne jeudi dernier à 207 euros mercredi. Celui du colza de 469 euros la tonne à 455 euros. La tonne de maïs est de son côté repassée sous la barre symbolique des 200 euros.
On est bien loin des records atteints au printemps 2022, environ deux fois plus élevés que les prix actuels. L’invasion de l’Ukraine par la Russie, deux exportateurs majeurs de céréales, avait alors fait craindre une pénurie.
Les acteurs du marché ont été surpris lundi par les rendements record attendus pour le soja aux Etats-Unis, revus à la hausse dans le rapport américain lundi.
« Le rapport a tellement fait baisser les prix pour le soja que cela a aussi pesé sur le maïs et le blé », commente Dewey Strickler, analyste pour le cabinet Ag Watch Market Advisors.
Selon lui, « le marché est en train de chercher jusqu’où les prix peuvent descendre ».
« A un moment, la baisse des prix va forcément faire revenir la demande », complète Frank Cholly, courtier pour RJO Futures. Les prix du blé seront à ses yeux les premiers à rebondir.
« Qualité catastrophique »
En attendant, le repli des cours du blé sur les marchés mondiaux s’apparente à une double pleine pour les producteurs en France, où la moisson de blé tendre s’annonce comme la plus faible depuis les années 1980.
« En plus d’une petite production, on a une qualité catastrophique », indique Damien Vercambre, analyste pour la société Inter Courtage.
Les taux de protéines semblent bons mais le « poids spécifique », un critère important pour les exportateurs, n’est pas au rendez-vous, estime-t-il. « Les grains sont petits et pas très remplis », explique le spécialiste.
Les intermédiaires peuvent certes trier le blé pour ne garder que les meilleurs grains. Mais une part du blé meunier, destiné à l’alimentation humaine dans le pain ou les biscuits par exemple, sera peut-être converti en blé fourrager, pour nourrir les bêtes, avance-t-il.
Le blé sera alors en concurrence avec le maïs fourrager, au prix moins élevé.
Les acteurs du marché ont aussi surveillé le dénouement d’un appel d’offres égyptien, selon Gautier Le Molgat, dirigeant du cabinet Argus Media France.
Le pays avait proposé la semaine dernière d’acheter plusieurs millions de tonnes de blé sur une période allant d’octobre en avril, une méthode inhabituelle pour ce gros importateur de blé.
Le Caire n’a finalement acheté que 280.000 tonnes, ce qui reste une grosse quantité.
Mais parmi les offres proposées figuraient principalement des blés russes et ukrainiens, et dans une moindre mesure bulgares. « Cela illustre parfaitement le fait que les Russes et les Ukrainiens restent totalement de la partie sur les marchés export », remarque M. Le Molgat.
Les cours des céréales et des oléagineux sont par ailleurs soumis à l’environnement économique et « on sent bien que l’ambiance a changé sur les marchés » depuis la semaine dernière, avec des investisseurs de plus en plus inquiets d’un risque de récession économique, remarque M. Vercambre.
@Avec l’AFP