Le Nicaragua a informé l’Unesco de sa volonté de quitter l’organisation, après qu’elle a attribué son Prix mondial de la liberté de la presse au quotidien historique du pays La Prensa, dont la rédaction a été contrainte à l’exil, a annoncé dimanche l’Unesco.
Cette décision « privera la population du Nicaragua des bénéfices d’une coopération portant notamment sur l’éducation et la culture », a regretté dans un communiqué la directrice générale de l’Unesco, Audrey Azoulay, après avoir reçu un courrier officiel de Managua.
« L’Unesco est aussi pleinement dans son rôle quand elle défend partout dans le monde la liberté d’expression et la liberté de la presse », ajoute-t-elle.
Le communiqué précise que « depuis 2021, à la suite de l’emprisonnement et de l’expulsion du pays de ses dirigeants ainsi que la confiscation de ses biens », le journal a poursuivi son travail en ligne, avec une équipe opérant majoritairement depuis le Costa Rica, l’Espagne, le Mexique, l’Allemagne et les États-Unis.
Doyen des journaux nicaraguayens, fondé en 1926, La Prensa avait joué un rôle important dans la lutte contre la dictature d’Anastasio Somoza.
Il a aussi plus récemment dénoncé la mainmise sur le pouvoir du président Daniel Ortega, qui dirige ce pays d’Amérique centrale depuis 2007, et de son épouse Rosario Murillo, vice-présidente depuis 2017 et devenue « coprésidente » en février.
Dans un courrier envoyé à Mme Azoulay et que l’AFP a pu consulter, le ministre des Affaires étrangères du Nicaragua, estime que le quotidien « représente une vile trahison contre notre Patrie après avoir historiquement promu et soutenu la violence, les interférences, les crimes de haine, la cruauté, la contre-culture ».
Valdrack Jaentschke l’accuse aussi d’avoir défendu « les interventions militaires et politiques des États-Unis au Nicaragua », jugeant « profondément honteux que l’Unesco apparaisse comme le promoteur, et évidemment comme un complice, d’une action qui offense et attaque les valeurs les plus profondes de l’identité nationale » avec ce prix décerné.
« Profonde gratitude » de la part du journal pour ce prix décerné par l’Unesco
Le gérant de La Prensa, Juan Lorenzo Holmann, a été arrêté en 2021, condamné à neuf ans de prison pour blanchiment de fonds, avant d’être relâché et expulsé vers les États-Unis, avec 221 autres dissidents, en février 2023.
Le siège du journal à Managua a été transformé en « centre culturel » par les autorités.
« C’est un grand honneur pour La Prensa de recevoir ce prix (…) et nous le recevons avec une profonde gratitude », avait réagi vendredi Juan Lorenzo Holmann, joint par l’AFP.
« Au Nicaragua, il n’y a pas de journalisme indépendant, la dictature le criminalise. L’exercice du journalisme n’est pas une vocation, ce n’est pas une profession, c’est devenu un sacerdoce », avait-il ajouté.
Le Nicaragua est classé 172e (sur 180) dans le classement sur la liberté de la presse publié vendredi par Reporters Sans Frontières (RSF), qui estime que « la presse indépendante continue de vivre un véritable cauchemar » dans ce pays.
Le prix mondial de la liberté de la presse Unesco / Guillermo Cano – du nom d’un journaliste colombien assassiné en 1986 – sera officiellement remis au cours d’une cérémonie le 7 mai à Bruxelles.
Il récompense chaque année « une personne, une organisation ou une institution ayant apporté une contribution exceptionnelle à la défense ou à la promotion de la liberté de la presse, où que ce soit dans le monde, en particulier lorsque cette contribution a été obtenue au mépris du danger avec bravoure », explique l’Unesco.
@Avec l’AFP