Une loi controversée restreignant des droits des personnes LGBT+ en Géorgie a été promulguée ce jeudi 3 octobre 2024 par le président du Parlement qui a contourné le refus de la cheffe de l’Etat de signer le texte, accentuant le virage prorusse et conservateur du pays à trois semaines des législatives.
Il s’agit de la deuxième loi jugée liberticide par des ONG et l’Union européenne, après celle sur l’« influence étrangère » adoptée en juin par le gouvernement. Celui-ci est accusé par ses détracteurs d’abandonner les ambitions européennes de ce pays du Caucase pour se rapprocher de la Russie.
« En conformité avec la Constitution, j’ai signé aujourd’hui la loi sur les valeurs familiales et la protection des mineurs que la présidente Salomé Zourabichvili n’a pas signée » mercredi, a annoncé sur Facebook Chalva Papouachvili, membre du parti Rêve géorgien.
En Géorgie, la présidence dispose de pouvoirs limités contrairement au Parlement qui a de larges prérogatives, dont la possibilité de signer les lois votées.
Les députés du parti au pouvoir, le Rêve géorgien du milliardaire Bidzina Ivanichvili, avaient adopté le texte rognant les droits des homosexuels en septembre lors d’un vote boycotté par l’opposition, alimentant un peu plus les tensions à l’approche des législatives du 26 octobre.
Mais la présidente du pays, pro-européenne et en rupture avec le gouvernement, a ensuite refusé de parapher cette législation, similaire à celle existante en Russie et qui a été vivement critiquée dans l’Union européenne et par les organisations de défenses des droits humains.
Le texte interdit « la propagande des relations homosexuelles et de l’inceste » dans les établissements scolaires et les émissions de télévision, et restreint aussi les « rassemblements et manifestations ».
Des groupes de défense des droits ont critiqué cette formulation qui met sur le même plan l’inceste et l’homosexualité, et limite la liberté de rassemblement.
Il interdit aussi la réassignation de genre, l’adoption par les homosexuels et les transgenre et annule les mariages homosexuels célébrés jusque là par des citoyens géorgiens à l’étranger.
L’Union européenne avait estimé début septembre que ce document « porte atteinte aux droits fondamentaux des Géorgiens et risque de renforcer la stigmatisation et la discrimination d’une partie de la population ».
Dérive prorusse
Le président du Parlement Chalva Papouachvili a lui défendu une loi « basée sur le bon sens, l’expérience historique et les valeurs chrétiennes, géorgiennes et européennes séculaires, plutôt que sur des idées et des idéologies changeantes ».
Il a assuré que « la loi protège les droits de tous les citoyens ».
A l’approche des législatives du 26 octobre, les passes d’armes se multiplient entre le Rêve Géorgien, un parti conservateur critique de l’Occident, et l’opposition pro-occidentale qui accuse le pouvoir de dérive prorusse, alors même que Moscou avait envahi le pays en 2008 et y soutient deux républiques séparatistes.
Officiellement, les autorités géorgiennes ambitionnent toujours de rejoindre l’Otan et l’UE, mais l’adoption de plusieurs législations controversées a nourri les tensions avec les pays occidentaux et dans le pays.
La Géorgie a été secouée au printemps par des manifestations massives contre la loi contre l’« influence étrangère », inspirée d’un texte russe répressif. Là aussi, les critiques occidentales ont été balayées par le pouvoir en place.
L’UE a avertit que les législations répressives adoptées auront des « répercussions importantes » sur le processus d’intégration de la Géorgie.
Les Etats-Unis ont de leur côté adopté des sanctions envers 60 Géorgiens dont deux représentants du gouvernement « pour leur implication dans de graves violations des droits humains lors de la réponse violente aux manifestations ».
« Nous restons préoccupés par les violations des droits humains et les actions antidémocratiques en Géorgie, et nous continuerons à envisager des actions supplémentaires en réponse à ces violations », avait indiqué en septembre le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.
Le Premier ministre géorgien Irakli Kobakhidzé a lui menacé de « revoir » les liens de son pays avec Washington.
En Russie, une législation réprimant la « propagande LGBT » a été adoptée il y a une dizaine d’années et considérablement élargie depuis, Moscou ajoutant même ce qu’elle qualifie de « mouvement international LGBT » sur sa liste des entités déclarées « terroristes et extrémistes », même si aucune organisation ne porte ce nom dans le pays.
@Avec l’AFP