La Côte d’Ivoire, plus grand producteur de noix de cajou en Afrique, augmente considérablement de taux de transformation locale de sa matière première. La raison ; le changement de paradigme international.
En effet, alors que le pays confirme sa position de leader africain dans la production d’anacarde, c’est désormais le secteur de la transformation locale qui enregistre des performances historiques, stimulé par un contexte géopolitique inattendu.
Les transformateurs ivoiriens d’anacarde ont en ce sens déjà acquis 650 000 tonnes de noix de cajou depuis le lancement de la campagne en janvier 2025, selon Mamadou Berté, directeur général du Conseil du coton et de l’anacarde (CCA). Ce volume représente plus du double des achats effectués l’année précédente et dépasse largement l’objectif initial de 400 000 tonnes.
Cette dynamique permettrait à la Côte d’Ivoire de transformer localement environ 50% de sa production annuelle de noix de cajou, contre une prévision initiale de seulement 34,7%.
Les tensions commerciales derrière la transformation locale
Ce bond spectaculaire s’explique principalement par les récentes décisions douanières américaines visant les importations en provenance d’Asie.
Washington a annoncé une hausse significative des droits de douane sur les produits transformés en Inde (+26%) et au Vietnam (+46%), deux pays qui absorbent habituellement près de 90% des noix brutes exportées par la Côte d’Ivoire.
Face à cette situation, les acheteurs asiatiques ont considérablement réduit leurs approvisionnements.
« Les acheteurs vietnamiens n’ont acquis cette année que 200 000 tonnes de noix de cajou brutes, contre 700 000 à 800 000 tonnes l’an dernier », précise le CCA. Cette désaffection a entraîné une chute drastique du prix bord champ, passant de 425 FCFA à 200-300 FCFA le kilogramme en seulement trois mois.
Parallèlement, les autorités ivoiriennes ont revu à la hausse leurs prévisions de récolte pour 2025, tablant désormais sur 1,3 million de tonnes, soit une augmentation de 13% par rapport aux estimations initiales et de 38% comparativement à la production de 2024 (944 667 tonnes).
Cette performance s’explique en grande partie par l’efficacité de l’opération « Verrou 322 », une initiative gouvernementale déployée pour lutter contre la contrebande vers les pays limitrophes comme le Ghana et le Burkina Faso. Ce dispositif, mobilisant forces de défense et corps paramilitaires, a permis de mieux canaliser la production nationale vers les circuits officiels.
Opportunités et défis pour la filière de la noix de cajou
Si cette conjoncture exceptionnelle offre une opportunité historique pour l’industrialisation de la filière cajou en Côte d’Ivoire, elle soulève également d’importantes questions sur la résilience du secteur. La baisse drastique des prix bord champ, avantageuse pour les transformateurs, affecte directement les revenus des petits producteurs.
Ce retournement de situation pourrait néanmoins accélérer la stratégie nationale de valorisation de l’anacarde, permettant au pays de capter davantage de valeur ajoutée sur sa production.
La Côte d’Ivoire pourrait ainsi progressivement s’émanciper de sa dépendance aux exportations de matières premières brutes, pour devenir un acteur majeur de la transformation de la noix de cajou à l’échelle mondiale.
Le pays devra toutefois veiller à l’équilibre entre développement industriel et protection des revenus agricoles, tout en explorant de nouveaux marchés d’exportation pour ses produits transformés, dans un contexte mondial marqué par l’instabilité des relations commerciales.