L’Ethiopie, pays d’Afrique de l’Est, doit inaugurer officiellement ce mardi 09 septembre 2025, son Grand barrage de la Renaissance (GERD) sur le Nil, présenté comme le plus grand ouvrage hydroélectrique du continent, et source de tensions avec des pays en aval depuis plus d’une décennie.
Le mégabarrage est l’un des rares sujets faisant l’unanimité dans ce pays de la Corne de l’Afrique déchiré par plusieurs conflits armés, encore actifs dans les deux régions les plus peuplées du pays, l’Amhara et l’Oromia.
Celle du Tigré est sortie en 2022 d’une guerre civile qui a fait au moins 600.000 morts, selon une estimation de l’Union africaine.
Le GERD est un immense ouvrage de 1,8 kilomètre de large pour 145 mètres de haut, d’une contenance totale de 74 milliards de mètres cubes d’eau.
Pour le deuxième pays le plus peuplé d’Afrique, où quelque 45 % des 130 millions d’habitants n’ont pas accès à l’électricité, il est un gage de « révolution énergétique », selon des experts.
C’est aussi un signe fort, alors que l’Ethiopie se pose en grand promoteur africain de la voiture électrique, et est le premier pays au monde à avoir interdit début 2024 l’importation de véhicules thermiques.
– « Nous vaincrons » –
Le mégabarrage doit atteindre à terme une capacité de production de 5.000 mégawatts (MW), soit le double de ce que l’Ethiopie produit actuellement.
Une puissance toutefois largement inférieure à celles des deux plus gros barrages au monde, celui des Trois-Gorges (22,5 GW) et celui de Baihetan (16 GW), tous deux situés sur le fleuve Yangtsé en Chine.
Le GERD va permettre à Addis Abeba de générer d’importantes recettes grâce à l’électricité vendue à ses voisins. Le Premier ministre Abiy a estimé la semaine dernière ses retombées à 1 milliard de dollars par an, pour un coût total estimé à 4 milliards de dollars.
Les festivités ont commencé lundi soir avec des lampions et lasers et un essaim de drones martelant des slogans positifs dans le ciel – comme « l’ascension géopolitique » ou encore « un saut dans le futur ».
L’évènement, ponctué d’un feu d’artifice géant, a été retransmis à la télévision publique, mais également sur les réseaux sociaux, où il a suscité une avalanche de messages de félicitations : « Ceci est la vraie prospérité », a écrit un internaute. « On a réussi », s’est exclamé un autre, quand un troisième a écrit : « Nous vaincrons ! »
La première pierre du GERD a été posée en avril 2011. Tant le TPLF -le parti tigréen, au pouvoir jusqu’en 2018- que le Parti de la prospérité du Premier ministre Abiy Ahmed, qui lui a succédé, s’en attribuent le mérite.
– « Menace existentielle » –
Hors d’Ethiopie, le mégabarrage est vertement critiqué par Le Caire, qui, craignant un tarissement de sa principale source d’approvisionnement en eau, martèle qu’il constitue une « menace existentielle » sur l’Égypte.
Pays d’environ 110 millions d’habitants, l’Egypte dépend du Nil pour 97 % de ses besoins hydriques, notamment pour l’agriculture.
La présidente Abdel Fattah al-Sissi a promis que l’Égypte prendrait toutes les mesures prévues par le droit international pour défendre sa sécurité hydrique.
« Quiconque pense que l’Egypte fermera les yeux sur ses droits en matière d’eau se trompe », a-t-il déclaré à des journalistes le mois dernier.
L’exécutif égyptien s’est récemment rapproché des deux pays frontaliers de l’Ethiopie : l’Erythrée, qui entretient aujourd’hui des relations tendues avec Addis Abeba, et la Somalie.
Le Soudan a également fait part de son inquiétude. Avec le Caire, ils ont réitéré fin juin « leur rejet de toute mesure unilatérale dans le bassin du Nil Bleu ».
Différentes tentatives de médiation depuis une décennie entre les trois pays – sous l’égide successivement des États-Unis, de la Banque mondiale, de la Russie, des Emirats arabes unis et de l’Union africaine – ont toutes échoué.
Un conflit ouvert entre l’Ethiopie et l’Egypte est toutefois « peu probable », selon les différents chercheurs interrogés par l’AFP.
Et l’Éthiopie se veut rassurante.
« Leurs barrages (soudanais et égyptiens, NDLR) doivent être pleins. Nous ne voulons pas que (le GERD) génère des craintes pour eux », a affirmé Abiy Ahmed la semaine dernière.
Avec AFP