Lentement mais sûrement l’Arabie saoudite, ténor mondial du pétrole, sort de sa dépendance de l’or noir et diversifie son économie et cela n’arrange pas les affaires de ce pays d’Afrique du Nord.
Riyad est un partenaire de premier plan des USA dans un tas de domaines, de la France également et plus récemment de l’Afrique. Les Saoudiens, avec derrière eux les autres pays du Golfe, jettent leur dévolu sur les ressources en Afrique.
En janvier 2024 Riyad a organisé la rencontre internationale “Future Minerals Forum”, avec de gros investissements à la clé dans les minerais. Place aux engrais, les Saoudiens concurrencent un géant africain et leader mondial : l’Office chérifien des phosphates (OCP), un groupe marocain.
Pourtant l’Arabie saoudite a 35 fois moins de réserves de phosphates que le Maroc, pays d’Afrique de Nord, mais elle a beaucoup plus d’argent.
Le financement aidera les Saoudiens à réduire rapidement le gap sur le marché des engrais, devenu très florissant depuis la crise provoquée par l’invasion de l’Ukraine, le 24 février 2022. L’offre s’est faite plus rare et les prix ont flambé, alors les Saoudiens, dont les fonds sont quasiment illimités, ont commencé à investir.
D’après une étude du cabinet Global Sovereign Advisory (GSA) publiée vers la fin du mois dernier, la part du leader des pays du Golfe dans les exportations mondiales est passée de 2 à 5,7% entre 2019 et 2023.
On est presque au même niveau que le Maroc, qui est passé de 5,7 à 6,6% sur la même période. La poussée saoudienne est adossée sur des réserves de phosphates conséquentes (8e dans le monde) mais également sur le gaz naturel bon marché fourni par le mastodonte Saudi Aramco.
Riyad a dépensé sans compter pour muscler ses capacités industrielles, sur toute la chaîne de valeur : roche en concentré de phosphates, production d’acide phosphorique, sulfurique et d’ammoniac pour la fabrication des engrais.
Deux entreprises publiques, Ma’aden et SABIC Agri-Nutrients, ont pesé lourd dans cette dynamique. La première a décaissé plus de 8 milliards de dollars pour la construction du parc industriel de Wa’ad Al Shamal Industrial City. Les 7 usines installées produisent près de 3 millions de tonnes de phosphate diammonique (DAP).
Quant à SABIC Agri-Nutrients, elle opère dans l’ammoniac et l’urée ; l’usine est entrée en service en 2021 et propose toute la palette des engrais.
L’alliance des deux sites a permis au royaume de quasiment doubler entre 2020 et 2022 les exportations d’engrais, dans toutes les gammes. En 2023 la quantité d’engrais exportée dans le monde s’est hissée à 6,86 millions de tonnes pour une valeur de 4,5 milliards de dollars.
Depuis une dizaine d’années, l’Arabie saoudite chasse sur les terres de l’OCP dans le continent africain. Le rachat de ténors sous-régionaux tels que Meridian Fertilizer Group et ETG Inputs Holdco Limited a beaucoup aidé dans cette stratégie. Les Saoudiens pèsent maintenant 10% sur le marché des engrais en Afrique…
Certes le Maroc est devant avec ses 15%, grâce à des acquisitions en Afrique de l’Ouest (surtout au Nigeria et au Ghana), mais les entreprises saoudiennes montent en puissance en Afrique australe (principalement en Afrique du Sud et au Mozambique) et également en Afrique de l’Est (Kenya et Tanzanie).
De l’avis des analystes, l’OCP a encore de la ressource et des avantages stratégiques sur le continent. Et puis il y a les grosses réserves de phosphate du Maroc, 73% du stock mondial, d’après les évaluations de l’Institut américain d’études géologiques. Le royaume reste le premier producteur de phosphate et de ses dérivés, avec quelque 30% de parts dans le marché mondial…
Comme les Saoudiens, les Marocains ont également un ambitieux programme : porter la production d’engrais à 9 millions de tonnes d’ici 2028.