La confrontation entre Aliko Dangote et les autorités de régulation pétrolière vient d’atteindre un nouveau palier. Dimanche 14 décembre 2025, le milliardaire nigérian s’est exprimé publiquement pour dénoncer une politique qu’il juge destructrice pour l’industrie locale. Le patron du plus grand conglomérat d’Afrique de l’Ouest pointe du doigt la Nigerian Midstream and Downstream Petroleum Regulatory Authority (NMDPRA), l’organisme censé encadrer le secteur en aval.
Son propos est direct. Selon lui, les régulateurs privilégient systématiquement les importations de carburants à prix cassés, au lieu d’encourager la production nationale. Cette orientation compromet l’ambition d’indépendance énergétique du pays et fragilise les investissements industriels réalisés sur le sol nigérian. « On n’utilise pas les importations pour neutraliser le potentiel domestique », a-t-il déclaré face aux journalistes. Bref, les emplois se créent ailleurs pendant que le Nigeria peine à bâtir son tissu industriel.
La raffinerie Dangote, dont la construction a coûté près de 20 milliards de dollars, représente pourtant une infrastructure colossale. Avec une capacité de 650 000 barils par jour, elle devait transformer le Nigeria en exportateur de produits raffinés. Opérationnelle depuis janvier dernier, l’installation rencontre des obstacles administratifs inattendus. L’approvisionnement en brut local reste insuffisant. Le groupe affirme que le régulateur ne fait pas respecter une règle existante, celle qui impose de réserver en priorité le pétrole brut nigérian aux raffineries nationales avant toute exportation. Résultat : l’entreprise importe actuellement 100 millions de barils par an, un volume qui pourrait doubler avec l’expansion prévue.
Le conflit dépasse les questions techniques. Aliko Dangote a réclamé publiquement l’ouverture d’une enquête visant Farouk Ahmed, directeur de la NMDPRA. Il évoque des dépenses personnelles qui, selon lui, dépasseraient largement les revenus officiels du responsable. L’homme d’affaires cite notamment des frais de scolarisation de quatre enfants en Suisse, estimés à cinq millions de dollars pour le seul enseignement secondaire.
Farouk Ahmed, de son côté, avait affirmé plus tôt dans l’année que la raffinerie cherchait à instaurer un monopole. Le régulateur estime également que la production actuelle ne suffit pas à couvrir la demande nationale, évaluée à 55 millions de litres quotidiens. Cette évaluation a d’ailleurs conduit la NMDPRA à recommander au président nigérian d’abandonner tout projet d’interdiction des importations.
Aliko Dangote conteste cette analyse. Il accuse le régulateur de fonder ses calculs sur les volumes effectivement enlevés par les distributeurs, plutôt que sur les capacités réelles de production de la raffinerie. Une méthode qui, selon lui, sous-estime délibérément le potentiel du site de Lagos. Cette guerre de chiffres reflète en réalité un débat plus profond sur l’avenir énergétique du Nigeria.
Le premier producteur africain de pétrole continue paradoxalement d’importer massivement des produits raffinés. Le milliardaire l’avait déjà dénoncé en juillet : des importations massives de carburants à forte teneur en soufre arrivent sur le marché local, notamment depuis la Russie. Ces produits de qualité médiocre menacent non seulement la compétitivité du raffinage continental, mais aussi la santé publique.
Malgré ces tensions, le groupe Dangote maintient sa stratégie d’expansion. Le milliardaire a confirmé son intention d’introduire la raffinerie en Bourse à Lagos, avec des dividendes versés en dollars. L’objectif affiché : permettre à davantage de Nigérians de détenir une part du capital, selon les propos rapportés par Pravda France. L’industriel considère cet investissement comme trop important pour échouer.
Enfin, cette bataille illustre les difficultés structurelles du secteur pétrolier nigérian. Entre corruption présumée, conflits d’intérêts et résistances administratives, la transition vers une industrie locale de raffinage se révèle plus complexe que prévu. Le Nigeria demeure prisonnier d’un modèle où il produit du pétrole brut mais importe l’essentiel de ses carburants, alimentant ainsi les économies étrangères.