Le journaliste ivoirien François Yélo, auteur d’œuvres telles que « Le Silence » ou « La Bêtise », a fait une analyse intéressante après la victoire de la Côte d’Ivoire face à la RDC en demi-finale de la CAN.
Selon l’écrivain, cette victoire n’a pas suscité le même effet de joie que celles des deux précédentes rencontres, contre le Mali en quart de finale et le Sénégal en huitième de finale.
Voici son analyse publiée sur la toile :
« Toutes les victoires, se valent-elles ? Ou plutôt, ont-elles la même saveur ? La charge émotionnelle, l’enjeu et le contexte qui entourent une compétition peuvent contribuer à décupler la sensation d’extase chez le vainqueur. Tel que ce fut le cas pour la Côte d’Ivoire, lors de cette 34ᵉ édition de la CAN 2023 à domicile.
Après avoir battu successivement le Sénégal en huitièmes de finale à Yamoussoukro (1 – 1, tab 5 – 4) lundi 29 janvier, le Mali en quarts (2 – 1) samedi 3 février à Bouaké, puis la RD Congo en demi-finale (1-0), mercredi 7 février à Abidjan.
Si la joie d’accéder à la finale est immense, elle est toutefois moins explosive que les deux premières. La raison est à plusieurs niveaux. D’abord, globalement, au niveau de l’enjeu, associé au déséquilibre des forces pour ce qui fut de la rencontre Sénégal-Côte d’Ivoire.
Mais cette équipe des Éléphants en convalescence a tenu tête à Sadio Mané et à ses coéquipiers, au moment où personne n’aurait parié un sou sur elle.
Face au géant sénégalais, champion d’Afrique 2021 avec sa constellation de stars habituées aux challenges, c’était presque plié d’avance. Le parcours des Lions du Sénégal en phase de poule parlait pour lui : 3 matchs, 3 victoires (9 points raflés sur les 9 possibles et classés en tête de leur groupe).
Dans un tel schéma et en toute logique, il y avait à espérer peu des Éléphants, bons derniers de la classe, repêchés de justesse sur un coup de poker. Sauf que le football n’a aucune logique. Éliminer le tenant du titre au bout du suspense relevait d’un exploit sensationnel. Surprise et euphories générales.
La suite a été presque identique, avec les Aigles du Mali, sûrs de leur supériorité et auréolés d’un parcours élogieux. Rencontre pleine d’incertitudes. Les hommes d’Éric Chelle avaient à cœur de briser enfin le signe indien, en s’offrant le scalp de l’Éléphant sur le sol de Bouaké, à sa propre CAN. L’occasion était trop belle, au moment où la bête noire du Mali avait un genou à terre. Le rêve de tout un peuple du côté du fleuve Niger à Bamako…
Côté ivoirien, prudence, optimisme et humilité. La tension, les inquiétudes liées au match ce soir-là dépassent le cadre d’une simple bataille footballistique sur la pelouse. Pour les Éléphants, il était question au moins d’éviter de subir une nouvelle humiliation après celle d’Ébimpé, face à la Guinée Équatoriale.
Quitte à perdre, autant sortir avec les honneurs. Et comme on le craignait, les Éléphants vont passer un mauvais quart d’heure dès la première mi-temps. Réduit à dix avec le carton rouge du défenseur Odilon Kossonou, le penalty concédé, la domination malienne, etc. Tout était réuni pour le scénario du pire. Un Trafalgar, ce soir-là. Mais encore une fois, la logique… Le football est une science irrationnelle.
Les Éléphants arrachent la victoire dans les ultimes secondes des prolongations (120e). Une victoire qui envoie la Côte d’Ivoire en demi-finale de sa CAN, au nez et à la barbe des Maliens. Une soirée de folie comme seule la magie du football peut en procurer.
Ces deux victoires valaient déjà, à elles seules, une Coupe d’Afrique des Nations pour les supporters ivoiriens en raison du contexte évoqué.
Cependant, la configuration de la rencontre avec les Léopards de la RDC, mercredi soir, était beaucoup moins survoltée, en dehors de l’objectif de la qualification. Non seulement, il ne s’agissait pas d’un derby ouest-africain, mais l’équipe ivoirienne a eu le temps de se refaire le moral. Elle a montré un visage rassurant dès la première période de cette rencontre. Et cela s’est confirmé tout naturellement à la fin. Cette rencontre a laissé finalement peu de place au suspense comme lors des deux précédentes confrontations.
Oui, toutes les victoires n’ont certainement pas la même saveur. Selon que l’adversaire est modeste ou en situation d’infériorité, le triomphe se veut également mesuré. Mais lorsque celui-ci se prend pour Goliath, invective dans un esprit revanchard et finit, à sa propre honte, par mordre la poussière, cette victoire-là est la plus sublime. Car elle a le mérite de renvoyer l’adversaire, la queue de l’orgueil entre les jambes. »
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