Cameroun : « le peuple a choisi Tchiroma et doit prendre ses responsabilités », selon l’avocate Alice Nkom

Cameroun Issa Tchiroma

Crédit Photo : Jeune Afrique

Après la victoire contestée contre Tchiroma à la présidentielle au Cameroun de Paul Biya, indéboulonnable depuis 43 ans, l’avocate Alice Nkom, porte-parole du candidat malheureux en exil, « demande au peuple d’aller jusqu’au bout », et « par tous les moyens », pour faire respecter les résultats des urnes.

À 92 ans, le président Biya, doyen d’âge des chefs d’État dans le monde, « est vraiment décidé, y compris au prix de milliers de cadavres, à mourir au pouvoir », fustige $\text{M}^{\text{e}}$ Nkom, figure de la défense des droits humains au Cameroun, dans un entretien à l’AFP.

Le président Biya a été réélu le 12 octobre avec 53,66 % des voix selon les résultats officiels. Mais Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre passé à l’opposition, qui a suscité un engouement inattendu chez les jeunes avides de changement, revendique également la victoire.

Cette réélection à un huitième mandat a donné lieu à des manifestations réprimées dans le sang dans plusieurs grandes villes – le gouvernement reconnaissant « plusieurs dizaines » de morts sans fournir de bilan exact.

« Jamais on n’a vu une hécatombe pareille (…) Biya est prêt à passer sur les corps des Camerounais », dénonce $\text{M}^{\text{e}}$ Nkom, de passage à Paris pour recevoir le Prix des droits humains Engele-du-Tertre 2025, décerné chaque année par l’association Acat France, au nom du Réseau des Défenseurs des Droits Humains en Afrique centrale (Redhac) qu’elle préside.

Dénonçant « tout un dispositif de fraude » destiné à le faire réélire, l’avocate et porte-parole de M. Tchiroma accuse le président d’avoir nommé aux postes-clés du processus électoral des personnes qui lui « doivent tout », à commencer par le président du Conseil constitutionnel, qui valide les résultats définitifs.

« C’est un ancien magistrat retraité qui était devenu avocat et qui traînait sa robe et sa savate dans les quartiers pour chercher un client par-ci, un client par-là (…) Et du jour au lendemain, on fait de lui le quatrième personnage de l’État. Le faiseur du président », raille $\text{M}^{\text{e}}$ Nkom, 80 ans, qui fut la première femme avocate du Cameroun.

« Biya va tous nous enterrer »

Pour Alice Nkom, « le peuple a choisi Tchiroma et doit prendre ses responsabilités ». Sinon, « Biya va tous nous enterrer : il paraît qu’on vit centenaire dans sa famille ».

« Je demande au peuple d’aller jusqu’au bout du processus (…) Même s’ils sortent les fusils, ce sont vos fusils. L’armée n’est pas l’armée de Biya. C’est l’armée des Camerounais », ajoute-t-elle, appelant ses compatriotes à « utiliser tous les moyens pour faire entendre leur voix ».

« Allez dans la rue s’il le faut, faites ce que vous voulez (…) quels qu’en soient les risques. Sinon, vous serez un peuple d’esclaves à vie », assène-t-elle.

De son côté, M. Tchiroma, qui a appelé à plusieurs reprises ses partisans à défendre ce qu’il estime être sa victoire, a trouvé refuge en Gambie début novembre.

« S’il restait, soit il était tué, hypothèse la plus probable, soit il était emprisonné (…) Mais il était menacé. Ils ont envoyé un commando chez lui et il a fui de justesse », affirme Alice Nkom, qui elle continue à vivre au Cameroun.

Il a ainsi fui en pleine nuit son domicile de Garoua, son fief du Nord, « avec des complicités qui lui ont permis d’avoir la vie sauve » pour franchir la frontière avec le Nigeria, un peu plus à l’ouest. Une fois à Yola, dans la région nigériane de l’Adamawa où celui-ci bénéficiait d’un solide réseau, il a décidé de partir en Gambie pour éviter une « guerre diplomatique » entre les deux pays voisins, dit-elle.

Compte-t-il rentrer bientôt dans son pays ? Pour Alice Nkom, c’est à M. Biya qu’il faut poser la question : « S’il revient au Cameroun, sera-t-il libre de ses mouvements, pouvez-vous garantir qu’il ne sera pas arrêté ni assassiné ? ».

© Agence France-Presse

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