Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré a ouvert ce mardi la 20ᵉ Semaine du numérique à Ouagadougou avec une déclaration qui tranche avec les discours habituels. Douze chantiers technologiques doivent transformer le Burkina Faso d’ici 2030. Un bond. Le président l’assume sans détour.
Le pays hébergeait ses données à l’étranger jusqu’à récemment. Une situation intenable pour un État qui revendique sa souveraineté numérique. Enfin, l’acquisition de data centers nationaux progresse. Les solutions technologiques locales se développent progressivement, selon le chef de l’État, qui cite le casier judiciaire en ligne comme exemple concret de service qui fait gagner du temps aux citoyens.
Les ambitions affichées couvrent tous les secteurs. « Aucun secteur ne se développera sans le numérique », a rappelé Ibrahim Traoré devant l’assistance réunie sur le site du SIAO. Santé, éducation, sécurité, défense : le président voit dans la technologie des opportunités d’économies d’échelle et de modernisation. Le recrutement massif d’ingénieurs accompagne cette vision. Le pays embauche désormais dix à vingt fois plus de profils techniques qu’auparavant pour combler son retard.
La digitalisation des procédures administratives doit réduire la corruption. Bref, moins de papier signifie moins de pots-de-vin. Le président a insisté sur ce point lors de son allocution. En matière de défense, l’analyse rapide des données grâce à l’intelligence artificielle devient un outil indispensable. « Qui ne souhaiterait pas disposer d’images en temps réel d’une situation pour permettre une intervention rapide ? », a-t-il interrogé.
Les douze chantiers structurants présentés par le gouvernement en août dernier dessinent une feuille de route précise, selon le quotidien Sidwaya. Zéro zone blanche sur le territoire. Zéro donnée hébergée à l’extérieur. Zéro bâtiment administratif non connecté. Zéro papier dans l’administration. Zéro cash dans les services publics. Protection totale des infrastructures critiques. Une identité digitale pour chaque Burkinabè. Accès inclusif aux services publics. Formation d’une masse critique de talents informatiques. Services de télécommunications accessibles et de qualité. Intelligence artificielle au service de tous. Alphabétisation numérique généralisée.
Le président a donné instruction au ministère de la transition digitale de réfléchir à la construction de maisons du citoyen dans toutes les provinces, puis dans les départements. Ces structures garantiront l’accès de chacun aux services numériques essentiels. Personne ne doit rester en marge, selon les termes employés par le chef de l’État.
La formation occupe une place centrale dans ce dispositif. Le lancement prochain d’une académie polytechnique intégrant les métiers du numérique a été annoncé. « C’est le moment pour les jeunes de démontrer que les préjugés portés sur les Africains sont infondés. Nous avons la capacité de concevoir et d’innover pour accélérer notre développement », a affirmé Ibrahim Traoré.
L’intelligence artificielle suscite néanmoins des interrogations. Le président a appelé les acteurs du secteur à intensifier la sensibilisation sur les dérives liées à l’IA. Cette technologie doit servir le progrès sans devenir un instrument de désinformation. La jeunesse burkinabè doit en faire un usage responsable et constructif, a exhorté le chef de l’État.
La 20ᵉ Semaine du numérique se tient jusqu’au 21 novembre sous le thème « L’intelligence artificielle au cœur de la transformation digitale », rapporte We are Tech. Le Ghana figure comme invité d’honneur. Les pays de l’Alliance des États du Sahel participent également à cet événement qui réunit panels, salon international des technologies et village des startups.
L’horizon 2030 reste la date butoir fixée par les autorités. Le gouvernement burkinabè veut faire du numérique un levier de modernisation et d’émancipation économique. Les défis demeurent nombreux : connectivité encore limitée dans certaines zones, coût des services, formation des ressources humaines. La réussite dépendra de la capacité à déployer ces douze chantiers de manière coordonnée et inclusive, pour reprendre les termes employés lors du séminaire gouvernemental d’août dernier.