Burkina Faso : après les armes, la Russie se positionne pour offrir ce grand service au pays

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Crédit Photo : AES Info / X

Dans un Burkina Faso où la lutte pour la souveraineté est le maître mot des autorités militaires, la méfiance envers l’industrie pharmaceutique occidentale se développe et offre une opportunité à la Russie de renforcer sa coopération dans le domaine de la santé.

22 décembre 2023, Ouagadougou: dans la salle de la conférence « Santé et Souveraineté » qui réunit naturopathes et chercheurs de plusieurs pays africains, un intervenant ne passe pas inaperçu.

Ancien diplomate russe et professeur de relations internationales à Moscou, Denis Degterev y explique comment la Russie s’attèle à développer son industrie pharmaceutique, particulièrement depuis les sanctions imposées par l’Occident à la suite de l’offensive en Ukraine.

« La Russie est intéressée pour assister les pays africains (dans le domaine sanitaire) et promouvoir la souveraineté multidimensionnelle », déclarait-il à Burkina24 à l’issue de la conférence.

Le régime militaire du capitaine Ibrahim Traoré, arrivé au pouvoir au Burkina par un coup d’Etat en septembre 2022, a fait de la souveraineté l’un de ses leitmotivs, comme ses voisins du Mali et du Niger.

Ces pays du Sahel, en même temps qu’ils tournaient le dos à leur allié historique et ancienne puissance coloniale, la France, se sont rapprochés de la Russie, en particulier dans le secteur militaire.

Mais Moscou cherche à aller plus loin en développant des partenariats dans le domaine de la culture, des médias, de la santé.

Lors du colloque à Ouagadougou, où plusieurs intervenants portaient des badges aux couleurs du Burkina et de la Russie, l’industrie pharmaceutique occidentale est épinglée.

 

Bill Gates visé 

« Les firmes occidentales, l’Union européenne, les États-Unis ont la mainmise sur les décisions en matière de santé dans nos pays » selon l’un des conférenciers, le militant français d’origine togolaise Egountchi Behanzin, suivi par plus de 300.000 internautes sur Facebook.

Tout en appelant à une coopération sanitaire renforcée avec la Russie, cet influenceur « panafricain » accusait les firmes occidentales de fabriquer des médicaments « non pas pour soigner, mais pour créer des maladies ».

C’est lui qui, deux mois plus tôt, avait publié plusieurs vidéos devenues virales, tenant un programme de santé au Burkina pour responsable d’une épidémie de dengue, maladie transmise par les moustiques, qui touchait le pays, y faisant 600 morts en 2023.

Le projet Target Malaria, porté par un consortium de plus de 150 chercheurs africains et occidentaux, financé par la fondation Bill et Melinda Gates, vise à lâcher des moustiques génétiquement modifiés afin d’éradiquer les maladies transmises par l’insecte, comme le paludisme.

Les accusations sur les réseaux sociaux ont trouvé suffisamment d’écho pour que le centre national de recherche du Burkina, qui travaille avec Target Malaria, démente tout lien entre leurs recherches et les épidémies de dengue ou de paludisme, jugeant « très regrettables ces fausses informations ».

Insuffisant pour calmer les soupçons: le 1er février, le militant burkinabé Nestor Podassé publiait sur Facebook ses craintes au sujet de recherches qui pourraient être « utilisées pour créer des armes biologiques par la partie américaine ».

« Mais la Russie a aidé », concluait-il, en référence à l’arrivée en novembre d’une délégation de médecins militaires russes pour lutter contre la dengue.

C’est dans ce contexte que Washington a accusé mi-février son adversaire géopolitique russe d’avoir lancé une campagne de désinformation à grande échelle en Afrique de l’Ouest, visant notamment des programmes de santé des pays occidentaux.

« Stratégie organisée » 

« Dans les grandes logiques d’influence au Burkina, on observe plusieurs types d’acteurs (…) avec une stratégie organisée et professionnalisée » sur les réseaux sociaux, explique un expert des mécanismes de désinformation: des comptes axés principalement sur le soutien au régime de Traoré, et d’autres d’influenceurs « panafricains » qui publient des sujets anti-Occident.

« Ce sont eux qui ont relayé les infox sur les moustiques. Ils sont en lien avec la Russie et il y a un objectif de déstabiliser l’Occident d’un point de vue économique ou sur les valeurs », ajoute-t-il à l’AFP.

Moscou cherche à consolider ses soutiens en Afrique et à accroître la méfiance à l’égard de l’Occident après avoir échoué à obtenir une plus grande influence en Europe après l’invasion de l’Ukraine, dénonce Washington.

« Les diplomates ou journalistes qui travaillaient dans les ambassades ou des médias comme Russia Today et qui ont été expulsés d’Europe ne sont pas rentrés chez eux. Ils ont été redéployés en Afrique et en Amérique Latine », ajoute à l’AFP Jamie Rubin, coordonnateur du département d’État américain contre la désinformation.

Selon Washington, un acteur est au cœur des efforts de désinformation au Burkina Faso et plus largement sur le continent : African Initiative.

Ce média se décrit sur son site comme une « agence de presse russe sur les événements du continent africain » et assure au contraire « dénoncer les campagnes de désinformation menées contre l’Afrique par les médias occidentaux ».

« La stratégie de désinformation russe a été utilisée dans le domaine de la santé et des maladies depuis longtemps », rappelle Jamie Rubin, évoquant les théories du complot du virus du sida créé par la CIA au temps de la guerre froide.

Avec AFP

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