Aux États-Unis, la vente de TikTok, imposée par le Congrès, tarde à se matérialiser à quelques jours d’une énième date butoir, le jeudi 19 juin 2025, que Donald Trump devrait renvoyer une nouvelle fois, faute de feu vert de la Chine.
À bord de l’avion présidentiel Air Force 1, de retour du sommet du G7 au Canada, le chef de l’État a indiqué mardi qu’il accorderait « probablement », un nouveau report de l’échéance, le troisième après deux premiers sursis de 75 jours chacun.
Le réseau social reste sous le coup d’une interdiction aux États-Unis, en vertu d’une loi votée au Congrès en 2024, si sa maison mère ByteDance n’en abandonne pas le contrôle.
Selon plusieurs médias américains, un protocole avait bien été trouvé début avril. Il prévoyait la séparation de TikTok US du groupe ByteDance, avec une recomposition du capital.
Les parts détenues par des investisseurs non chinois passaient de 60 à 80 %, ByteDance conservant les 20 % qu’elle possède actuellement.
Le groupe informatique Oracle, qui héberge déjà les données de TikTok US sur ses serveurs américains, devait être à la manœuvre, accompagné, notamment, par le gestionnaire d’actifs Blackstone ou l’entrepreneur Michael Dell.
Mais l’annonce de droits de douane imposés par Donald Trump à ses partenaires commerciaux, avec une note particulièrement salée pour la Chine, à 54 % (plus tard relevés jusqu’à 145 %), a bloqué la transaction côté chinois.
« Il nous faudra probablement l’accord de la Chine », a reconnu, mardi, Donald Trump. « Je pense que le président Xi finira par donner son feu vert. »
« TikTok n’est plus simplement un réseau social », estime Shweta Singh, professeure à l’université britannique de Warwick. « C’est devenu un symbole de la rivalité technologique entre les États-Unis et la Chine. »
TikTok toujours populaire aux États-Unis
Si les deux pays se sont entendus, début juin, sur un « cadre général » pour normaliser leurs relations commerciales, le dossier TikTok reste en souffrance. La plateforme n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
Mais loin de pâtir de cette crise géopolitique, le réseau revendique toujours 170 millions d’utilisateurs aux États-Unis, dont 7,5 millions de comptes d’entreprises, des grands groupes aux PME.
« À moins de prendre Trump à rebrousse-poil, ils vont probablement continuer à bien se porter », anticipe Rob Enderle, analyste du cabinet Enderle Group. « Je ne vois pas de raison pour (le président) de s’en prendre à TikTok maintenant. »
Selon le site spécialisé Appfigures, le réseau social est la deuxième application la plus téléchargée aux États-Unis derrière ChatGPT sur les téléphones Android.
La mansuétude affichée par le milliardaire, qui a redit à NBC avoir « un petit faible pour TikTok », a sensiblement dilué l’urgence de la situation. Sur la plateforme, seuls quelques messages évoquent, sans passion, la date du 19 juin, leurs auteurs convaincus d’un nouveau délai à venir.
Le contraste est marqué avec le début d’année, qui avait vu beaucoup d’influenceurs préparer leur migration vers d’autres cieux, en particulier Instagram ou YouTube.
Début mai, sur NBC, Donald Trump affirmait encore pouvoir intégrer le volet TikTok aux négociations plus larges avec la Chine sur le commerce, pour en faire une sorte de bonus, mais les deux sujets semblent aujourd’hui bien dissociés.
D’autres candidats à un rachat de la plateforme s’étaient positionnés en début d’année, en particulier le « Project Liberty » de l’entrepreneur Frank McCourt et la start-up d’intelligence artificielle (IA) générative Perplexity AI, chacun voulant intégrer l’application à un modèle plus large.
Le premier n’a pas répondu à une demande de l’AFP, tandis que le second s’est refusé à tout commentaire.
Le mystère demeure sur le fameux algorithme de recommandation de TikTok, dont la sophistication explique, en grande partie, le succès de la plateforme.
Pour l’instant, ByteDance n’a encore jamais accepté le principe d’une cession de ce bijou technologique, réclamée par le Congrès, qui s’inquiète de l’utilisation de données par la Chine ou d’une tentative d’influence de l’opinion américaine.
Mais à l’approche de la limite de jeudi, les élus du Congrès, pourtant très remontés il y a quelques mois, semblent désormais se désintéresser du dossier.
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