De son village reculé jusqu’au sommet de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye a connu une ascension éclair pour devenir le plus jeune président du Sénégal, élu sur la promesse d’un changement radical et sous l’impulsion d’un mentor charismatique.
Celui que tout le monde appelle « Diomaye » (« l’honorable » en sérère), suppléant du dirigeant Ousmane Sonko frappé d’inéligibilité, a prêté serment mardi près de Dakar, devenant le cinquième président de ce pays.
M. Faye, 44 ans, s’est présenté lors de son premier discours officiel comme l’homme du « changement systémique« , mais aussi le garant d’une « démocratie renforcée » et d’une « justice indépendante » dans un pays « apaisé » et « d’espérance« .
Il a défendu un Sénégal « juste et prospère » dans une « Afrique en progrès« , d’un ton assuré et formel devant un parterre de chefs d’Etat africains, mais aussi de ses deux épouses, une première dans le pays.
Le vœu de la rupture, l’onction de M. Sonko et l’apparente simplicité de cette personnalité issue d’un milieu modeste lui ont permis de remporter une victoire écrasante dès le premier tour de la présidentielle avec 54,28% des voix.
Il a fait de la « réconciliation nationale« , de la baisse du coût de la vie et de la lutte contre la corruption ses chantiers prioritaires.
Se disant panafricaniste « de gauche« , M. Faye, qui n’a jamais exercé de mandat d’élu auparavant, a promis de rétablir une « souveraineté » bradée selon lui à l’étranger et a exprimé son souhait de remettre sur la table les contrats pétroliers et gaziers ainsi que les accords de pêche.
Il envisage de quitter le franc CFA et d’investir dans les secteurs agricole et industriel pour tenter de faire baisser le chômage, qui s’élève officiellement à environ 20%. Il veut également rééquilibrer les partenariats internationaux dans un sens « gagnant-gagnant » et travailler au retour du Burkina Faso, du Mali et du Niger dans la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Plan B de Sonko
Haut fonctionnaire de l’administration des Impôts et domaines où il a fait la connaissance d’Ousmane Sonko, il a franchi discrètement les étapes dans l’ombre de ce dernier. Son avènement consacre la réussite du plan B de M. Sonko qui, arrivé troisième de la présidentielle en 2019 et disqualifié en 2024, l’a désigné comme son remplaçant.
Pendant trois ans, avec le parti Pastef créé en 2014 par de jeunes cadres du public et du privé et dissous depuis, ils ont croisé le fer avec le pouvoir, le président Sonko se démultipliant aux avant-postes, le secrétaire général Faye actif à l’organisation et la doctrine.
Ils sont sortis ensemble de plusieurs mois d’emprisonnement mi-mars, en pleine campagne, à la faveur d’une amnistie. Ils ont parcouru le pays ensemble, puis se sont partagé la tâche, drainant des foules en liesse derrière le slogan « Sonko mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko » (« Sonko c’est Diomaye, Diomaye c’est Sonko« ). Pendant ce temps, son principal adversaire, Amadou Ba, candidat du pouvoir en place, faisait campagne en critiquant son inexpérience.
Souvent vêtu d’un boubou blanc traditionnel, de taille moyenne, portant une barbichette sous son visage juvénile, ce musulman pratiquant, père de quatre enfants, personnifie une nouvelle génération de politiciens.
Arts martiaux, reggae et le Real
Bassirou Diomaye Faye est né dans une famille d’agriculteurs humble et éduquée dans le village de Ndiaganiao, à 150 km à l’est de Dakar, au bout d’une route cahoteuse et sablonneuse. Là-bas, il n’y a ni centre de santé, ni route goudronnée. « Diomaye était un petit berger qui surveillait ses chèvres« , se souvient Mor Sarr, l’un de ses meilleurs amis.
« Diomaye a toujours été très proche de sa maman, Khady Diouf, qu’il aidait pour les tâches ménagères » après l’école, témoigne M. Sarr.
Admirateur de l’ancien président américain Barack Obama et du Sud-africain Nelson Mandela, fervent lecteur de livres de psychologie, il est aussi un « grand fan du Real Madrid et de (Zinedine) Zidane« , l’ancien joueur de foot français, amateur d’arts martiaux et de natation, et fan de reggae, rapporte-t-il.
Ce petit-fils d’un tirailleur, grièvement blessé durant la bataille de Verdun (est de la France) pendant la Première Guerre mondiale, est « un bon garçon« , « très soigneux dans sa manière de faire » et « sera un président connecté » aux réalités du pays, pense son oncle et homonyme, Diomaye Faye.
Bassirou Diomaye Faye a quitté Ndiaganiao pour étudier à Dakar, puis intégrer la prestigieuse Ecole nationale d’administration dans la capitale. Il a dit revenir régulièrement au village.
« Je garderai toujours à l’esprit les lourds sacrifices consentis afin de ne jamais vous décevoir« , a déclaré mardi le nouveau chef d’Etat, qui a eu une pensée « pour les martyrs de la démocratie sénégalaise, les amputés, les blessés et des anciens prisonniers » des trois années de crise qui ont précédé le scrutin présidentiel.
Avec AFP
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