Viola Fletcher, une des dernières survivantes du massacre raciste de Tulsa, est décédée à l’âge de 111 ans.
« Aujourd’hui, notre ville pleure la disparition de Maman Viola Fletcher, rescapée de l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire de notre ville« , a écrit sur X le maire démocrate de Tulsa (Oklahoma), évoquant un drame qui aurait fait jusqu’à 300 morts.
«Fletcher a enduré plus que quiconque ne devrait et pourtant, elle a consacré sa vie à tracer un chemin vers l’avenir avec détermination», a ajouté Monroe Nichols. «Maman Fletcher a incarné 111 années de vérité, de résilience et de grâce, nous rappelant le chemin parcouru et celui qui reste à parcourir. Elle n’a jamais cessé de plaider pour la justice pour les survivants et les descendants du massacre racial de Tulsa».
À l’annonce de sa disparition, Barack Obama a rejoint son compte X, pour lui laisser un vibrant hommage.
« Survivante du massacre racial de Tulsa, Viola Ford Fletcher a courageusement partagé son histoire afin que nous n’oubliions jamais ce chapitre douloureux de notre histoire. Michelle et moi-même lui sommes reconnaissantes pour son engagement de toute une vie en faveur des droits civiques et adressons nos plus sincères condoléances à sa famille« , a-t-il écrit.
Un noir injustement accusé
Le 31 mai 1921, une foule d’hommes blancs s’attaque au quartier afro-américain prospère de Greenwood, alors surnommé le «Wall Street noir», de la ville de Tulsa. À l’origine des violences, l’arrestation d’un cireur de chaussures noir accusé d’avoir agressé une jeune femme blanche. Les historiens ont depuis démontré que le jeune homme n’avait rien fait de plus que marcher sur le pied de la jeune femme.
Mais la haine raciale prend le dessus. Des centaines d’hommes blancs se rassemblent devant le tribunal où doit être jugé le jeune homme. La tension monte, des coups de feu retentissent et la violence se déchaîne. Les historiens estiment qu’entre 75 et 300 Afro-Américains ont péri dans les violences.
Plus de 1200 bâtiments ont été détruits, les commerces des habitants noirs pillés, brûlés, rasés. Les témoins ont même parlé d’avions larguant des bombes incendiaires.
«J’entends les cris»
«Je revis le massacre tous les jours», avait confié en mai 2021 Viola Fletcher, lors de son premier voyage à Washington pour partager ses souvenirs devant une commission de la Chambre des représentants. Le regard puissant derrière de petites lunettes ovales, les cheveux blancs sur son visage rond, elle avait réclamé une reconnaissance officielle de l’évènement par les États-Unis.
«Un pays peut oublier son histoire, mais je ne peux pas», avait plaidé la vieille dame, âgée de 7 ans au moment du massacre. «Je n’oublierai jamais la violence de la foule hargneuse de Blancs lorsque nous avons quitté la maison», avait-elle insisté. «Je vois encore des hommes noirs se faire tirer dessus et les corps noirs gisant au sol dans la rue. Je sens encore la fumée et je vois le feu. Je vois encore les commerces noirs être incendiés. J’entends encore les avions nous survoler. J’entends les cris».
Armés par les autorités locales
Le chaos avait duré 24 heures, jusqu’à l’arrivée à Tulsa de la Garde nationale, dont l’une des premières mesures fut d’interner dans trois camps les quelque 6000 rescapés noirs.
Selon le rapport officiel d’une commission d’enquête mise en place en 2001 dans l’Oklahoma, les autorités locales avaient elles-mêmes armé certains des émeutiers blancs, en les nommant pour l’occasion «adjoints» de la police.
Aucun Blanc n’a jamais été condamné. Les compagnies d’assurance, prétextant qu’il s’agissait d’émeutes, ont refusé d’indemniser les victimes. Et jusqu’au début des années 2000, le massacre est resté absent des programmes scolaires américains.
Avec AFP