Fustigeant la partialité du juge en première instance, la procureure du procès de l’ex-homme fort du foot espagnol Luis Rubiales, condamné à une simple amende pour le baiser imposé à Jenni Hermoso, a réclamé jeudi un nouveau procès et fait appel de cette peine.
Dans son recours consulté par l’AFP, Marta Durántez Gil a demandé que « le procès soit déclaré nul » et réclamé une nouvelle audience « avec un autre magistrat qui ne semble pas, au minimum, marqué par la partialité« .
Luis Rubiales a été condamné le 14 février à 10.800 euros d’amende pour agression sexuelle. La procureure avait requis deux ans et demi de prison pour agression sexuelle et pour les pressions ensuite exercées sur la joueuse pour atténuer le scandale. Il a été relaxé du délit de coercition.
Pour justifier la tenue d’un nouveau procès, la procureure estime que le juge José Manuel Fernández-Prieto l’a privée « de poser des questions pertinentes à plusieurs témoins » et elle a dénoncé une « incohérence du jugement« .
Si sa demande d’un nouveau procès est rejetée, il n’y aura pas de nouvelle audience : en Espagne, les appels sont examinés à huis clos, sans écouter de nouveau accusés et victimes, par des magistrats qui rendent ensuite leur arrêt.
Luis Rubiales a également été condamné à une interdiction de s’approcher de Jenni Hermoso à moins de 200 mètres et de communiquer avec elle pendant un an.
– « Grande bienveillance » –
Lors du procès, la procureure avait assuré qu’il n’y avait pour elle « aucun doute » sur le fait que Jenni Hermoso avait été embrassée sans son consentement, lors de la remise des médailles après le sacre des Espagnoles au Mondial féminin, le 20 août 2023 en Australie.
Dans sa décision, le tribunal avait estimé que l’ancien homme fort du football espagnol avait « réalisé par surprise un acte qui porte atteinte à la liberté sexuelle d’une autre personne sans le consentement de l’agressée ».
Pour justifier une simple peine d’amende, le juge M. Fernández-Prieto a souligné que l’agression sexuelle jugée, « bien que toujours répréhensible, s'(inscrivait) parmi celles de moindre intensité (…) dans le code pénal, en l’absence de violence ou d’intimidation« .
Concernant le délit de coercition, le juge a considéré qu’aucun élément n’avait été apporté pour prouver l’existence d’un acte de violence ou d’intimidation, qui sont les conditions requises pour établir de tels faits.
L’attaquante avait pour sa part salué le jugement qui a créé selon elle « un précédent important dans un milieu où il reste encore beaucoup à faire ».
Erigée en symbole de la lutte contre le sexisme dans le sport, Jenni Hermoso avait déclaré pendant le procès s’être sentie « peu respectée » en tant que femme lorsque Luis Rubiales l’avait embrassée sur la bouche et avait aussi décrit les « innombrables » pressions subies après ce geste pour étouffer le scandale.
Devant le tribunal, l’ex-président de la Fédération avait, de son côté, campé sur ses positions, se disant « absolument sûr » que Jenni Hermoso avait consenti à ce baiser.
« J’aurais dû garder mon sang-froid et ne pas me laisser emporter par l’émotion » de la victoire, avait-il toutefois concédé.
La peine prononcée à l’encontre Rubiales avait suscité la colère des associations féministes. Pour l’avocate et militante Altamira Gonzalo, la sentence est « de grande bienveillance envers l’agresseur« , a-t-elle estimé auprès de l’AFP.
Les coaccusés de Luis Rubiales, l’ancien sélectionneur de la « Roja » féminine Jorge Vilda et deux anciens responsables de la Fédération royale espagnole de football (RFEF), Rubén Rivera et Albert Luque, jugés uniquement pour le délit de coercition, ont tous les trois été relaxés.