Dans un contexte diplomatique tendu avec l’Algérie, le gouvernement du Mali durcit le ton et réaffirme sa souveraineté.
C’est ainsi que le ministre de la Défense, le général Sadio Camara, a lancé un avertissement sans équivoque lors d’une récente déclaration qui illustre la posture de plus en plus affirmée des autorités de transition maliennes sur la scène internationale.
« Ceux qui pensent nous intimider et nous déstabiliser se trompent lourdement. Ils seront emportés par leur arrogance comme d’autres plus puissants l’ont regretté avant eux », a déclaré le général Camara au sortir du Conseil supérieur de la Défense nationale, présidé par le chef de l’État, Assimi Goïta.
C’est là une déclaration qui résonne comme un message adressé non seulement à l’Algérie voisine, mais également aux puissances occidentales critiques de la politique souverainiste engagée par Bamako.
Une crise diplomatique avec l’Algérie qui s’intensifie pour le Mali
Il faut savoir que les propos du Ministre interviennent alors que les relations entre le Mali et l’Algérie ont atteint un point critique.
Et pour cause, l’incident du drone malien abattu par l’armée algérienne le 1er avril 2025 près de Tin Zaouatine a déclenché une escalade diplomatique sans précédent.
Alger affirme que l’appareil avait pénétré de deux kilomètres dans son espace aérien, tandis que Bamako dénonce une « action hostile et préméditée » qui aurait empêché une frappe contre des groupes terroristes.
Les répercussions ont été immédiates : rappel mutuel des ambassadeurs, fermeture des espaces aériens respectifs, et retrait du Mali du Comité d’état-major conjoint (Cemoc), un mécanisme de coopération militaire régional.
Cette crise s’est également propagée aux populations des deux pays, avec des manifestations au Mali et des campagnes agressives sur les réseaux sociaux.
La région frontalière de Tinzawatène, connue pour être un refuge des combattants du Front de libération de l’Azawad (FLA), est devenue l’épicentre de ces tensions.
Le FLA, signataire de l’accord d’Alger en 2015, avait d’ailleurs initialement revendiqué la destruction du drone malien avant que l’Algérie n’assume la responsabilité de ce tir.
Un Mali qui revendique sa transformation militaire
Parallèlement à cette crise, le général Camara met en avant les progrès accomplis par l’armée malienne.
« L’armée malienne de 2025 n’a rien à voir avec celle de 2020 », a-t-il affirmé, saluant « un effort de montée en puissance sans précédent » qu’il attribue à la vision du chef de l’État, au soutien populaire et à la bravoure des soldats.
Cette transformation militaire s’inscrit aussi dans une stratégie de rupture avec les anciennes alliances, notamment avec la France.
En 2022, Bamako avait rompu ses accords militaires avec Paris, mettant fin aux opérations conjointes contre les groupes djihadistes, dont Serval et Barkhane.
Le ministre malien de la Défense a également élargi sa critique à l’ordre international, qu’il juge « déstabilisateur » pour la région sahélienne.
« Les peuples dignes et jaloux de leur souveraineté sont confrontés aux défenseurs d’un ordre international dont les effets se ressentent un peu partout en Afrique », a-t-il déclaré, dans une allusion transparente aux ingérences étrangères.
Une stratégie de consolidation du pouvoir
Le président Assimi Goïta a par ailleurs profité de cette occasion pour donner de nouvelles orientations visant à poursuivre la consolidation d’« une armée puissante et respectée, qui n’acceptera plus jamais que l’État malien faiblisse ». Cette déclaration s’inscrit dans la continuité d’une politique de renforcement de la souveraineté nationale entreprise depuis le coup d’État d’août 2020.
La crise avec l’Algérie illustre pareillement la nouvelle dynamique régionale, avec la montée en puissance de l’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
Ces trois pays, dirigés par des régimes militaires, ont fait cause commune face à l’Algérie, rappelant simultanément leurs ambassadeurs à Alger après l’incident du drone.
Dans ce climat tendu, le gouvernement malien semble déterminé à poursuivre sa politique souverainiste, quitte à s’aliéner certains partenaires historiques.
Le général Camara et le président Goïta semblent convaincus que la transformation de l’armée malienne leur permettra de faire face aux défis sécuritaires de la région sans dépendre de soutiens extérieurs jugés envahissants. Seul l’avenir nous dira si ce sera le cas.