Au Bénin, l’inhabituelle réponse rapide de la CEDEAO face à la tentative de putsch

Au Bénin, l'inhabituelle réponse rapide de la CEDEAO face à la tentative de putsch

Crédit photo : Présidence Sénégal

La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), sous l’impulsion du Nigeria, est rapidement venue en aide au Bénin pour déjouer un putsch dimanche, une réponse quasi immédiate qui tranche avec ses atermoiements lors des précédents coups d’Etat dans la région.

Une intervention éclair

« Notre communauté est en état d’urgence », a affirmé mardi Omar Alieu Touray, le président de la Commission de la Cedeao, pointant à la fois la contagion jihadiste dans la région et les putschs – réussis ou non –  qui ont secoué pas moins de six pays de la zone depuis 2020.

Dès dimanche soir, la Cedeao a annoncé l’envoi de troupes de sa force en attente, venant de quatre pays, dont le Nigeria et la Côte d’Ivoire qui ont particulièrement poussé pour une intervention. Leur volume reste encore inconnu à ce stade.

Une menace déjà brandie mais pas mise en œuvre lors de précédents coups d’Etat – notamment au Sahel.

L’exemple le plus marquant reste celui du Niger, où elle avait menacé d’intervenir pendant plusieurs semaines à l’été 2023 pour chasser les putschistes qui avaient renversé Mohamed Bazoum, avant de se rétracter.

« La Cedeao voulait se racheter après la non-intervention au Niger. Heureusement qu’elle est intervenue cette fois d’ailleurs », pointe un ancien ministre ouest-africain.

« Il fallait éviter un effet domino, éradiquer l’épidémie de coups d’Etat qui est en train de s’installer. C’est une bonne attitude qu’a eu la Cedeao cette fois », abonde une source diplomatique régionale.

Le rôle clef du Nigeria

Quelques heures seulement après l’annonce d’une prise de pouvoir par des militaires à la télévision, l’aviation nigériane a mené, sur demande du Bénin, des frappes sur Cotonou pour aider avec succès l’armée béninoise à prendre le dessus sur les putschistes.

Lors du putsch au Niger en 2023, le président nigérian Bola Tinubu avait fait partie de ceux qui avaient fait marche arrière pour une intervention de la Cedeao.

Cette fois-ci, il a assumé avoir « aidé à stabiliser un pays voisin ».

« Le Bénin est frontalier du Nigeria, plus grosse économie de la région et puissance leader de la Cedeao, et occupe une route commerciale vitale. L’instabilité au Bénin poserait un risque direct à l’économie nigériane ainsi qu’à ses problèmes sécuritaires », dans une région déjà sérieusement minée par des violences jihadistes, estime Usman Ibrahim, analyste pour SARI Global.

« Le Nigeria ne peut pas accepter des développements qui viennent déstabiliser son voisin et menacer la coopération sécuritaire. Les deux pays ont aussi des liens bilatéraux très forts qui ont abouti à la signature d’un accord économique important en juin. L’instabilité au Bénin aurait menacé cet accord », développe Nnamdi Obasi, analyste pour International Crisis Group.

Une aide française à la demande du Bénin

Mardi, l’Elysée a indiqué avoir apporté un « appui en termes de surveillance et d’observation et de soutien logistique » aux forces armées du Bénin, « à la demande » des autorités de Cotonou.

Emmanuel Macron a mené « un effort de coordination » et « d’échange d’informations avec les pays de la région », poursuit l’un des conseillers du président français.

La France est par ailleurs un partenaire du Bénin, au niveau militaire, pour de la formation ou de l’équipement.

Selon une source ayant une connaissance fine du dossier, il fallait éviter de répéter l’échec au Niger, où Paris n’était pas intervenu pour aider à rétablir le président élu Mohamed Bazoum, toujours détenu depuis juillet 2023. « Mieux vaut donner un coup de main pour éviter un énième putsch réussi », pointe-t-elle.

Depuis le putsch de Niamey, la région ouest-africaine est plus que jamais divisée: le Mali, le Burkina Faso et le Niger, dirigés par des juntes, ont claqué la porte de l’organisation et formé leur propre confédération, l’Alliance des Etats du Sahel (AES).

Une fracture qui se retrouve sur le plan idéologique, avec le positionnement souverainiste et anti-occidental assumé de l’AES en totale contradiction avec les bonnes relations du Bénin – mais aussi du Nigeria ou de la Côte d’Ivoire – envers Paris.

Dimanche, sur les réseaux sociaux, de nombreux comptes pro-juntes sahéliennes se réjouissaient d’ailleurs à l’idée de voir Patrice Talon tomber.

« Si le Bénin rejoignait l’AES, ce serait un boom pour les juntes sahéliennes, avec un accès à la mer et la Cedeao courrait un risque encore plus sérieux de désintégration », souligne Ryan Cummings, directeur du cabinet de conseil sud-africain Signal Risk.

– Une réaction au cas par cas ? –

Beaucoup de publications sur les réseaux sociaux se sont étonnées de la promptitude de la Cedeao à réagir, en comparaison avec le coup d’Etat perpétré fin novembre en Guinée-Bissau, où il n’a même pas été question d’intervenir.

Mais plusieurs observateurs mettent en avant la différence entre les deux cas de figure: Patrice Talon ayant appelé à l’aide contrairement à Umaro Sissoco Embalo, ce dernier étant par ailleurs soupçonné – notamment par des responsables de la région, de l’opposition et des observateurs – d’avoir mis en scène son propre putsch.

« Il y a eu une demande officielle d’aide du Bénin. Le cas de la Guinée Bissau est assez unique dans le sens où c’est probablement le président Embalo qui a initié le coup. C’était une situation compliquée à gérer », confirme Confidence MacHarry, analyste sécurité à SBM Intelligence.

Avec AFP

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