Pendant près de quatre mois, à partir du premier jour du confinement, Management a réalisé un podcast quotidien sur le télétravail, donnant la parole à des experts pour partager leurs points de vue, conseils et bonnes pratiques (à écouter sur management.fr). Alors que le télétravail est désormais réclamé par une bonne partie des salariés qui y ont goûté et qu’il risque de devenir la norme dans beaucoup d’entreprises, voici un best of des conseils donnés par nos invités…

1 – Se voir régulièrement

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, le fait d’être une entreprise sans bureaux, comme Platform.sh, entreprise du cloud en 100% télétravail depuis 2015, n’empêche pas les salariés de se voir, bien au contraire. « Le 100% télétravail oblige à se voir plus : nous, ce qu’on ne dépense pas en bureaux, on le dépense en frais de voyages et en frais d’hôtel, car on a besoin d’organiser des rencontres fréquentes entre les gens, pour que les liens se créent et se renforcent, explique ainsi Frédéric Plais, co-fondateur et PDG de la start-up, lui-même en télétravail depuis son domicile de San Francisco. Les problèmes complexes se règlent mieux dans une pièce. Le fait de se rencontrer permet de trouver des solutions plus créatives. »

2 – Fixer des règles claires et communes

« Avec le confinement, le télétravail s’est mis en place dans la précipitation et souvent l’improvisation. Désormais, pour que le télétravail dure, il faut impérativement en clarifier les règles »), alerte Emmanuel Stanislas, fondateur du cabinet de recrutement Clémentine, spécialiste du Digital et de l’IT. Il y a ainsi de nombreuses questions auxquelles il faut répondre. Comme : est-ce que le télétravail, c’est quand je veux, ou quand l’employeur le veut ? Est-ce que je dois venir certains jours, avec tout le monde ? Et si oui, c’est qui tout le monde : mon équipe, une division, toute l’entreprise ? Est-ce que travailler de chez moi, ça veut dire que je travaille selon mes horaires ou selon ceux de l’entreprise ?

3 – Limiter les réunions

« Il faut avoir des points de rendez-vous réguliers et fixe, s’y tenir, mais ne pas y passer des heures. L’idéal c’est dix minutes le matin, pas plus. Et un rendez-vous plus long de trente minutes une fois par semaine, mais pas plus », conseille Matthieu Beucher, fondateur de Klaxoon, plateforme de réunions participatives. Même son de cloche chez Microsoft : « On a réduit les réunions, en fréquence comme en durée : désormais, elles ne dépassent plus quarante-cinq minutes », confie Nadine Yahchouchi, directrice de l’entité M365 chez Microsoft France, en charge de la plateforme collaborative Teams. « On cale souvent par défaut un réunion d’une heure, mais en a-t-on vraiment besoin ? poursuit Fabrice Berthelot, responsable France chez Poly, spécialiste des outil de collaboration et des solutions de communication. Chez nous aussi les réunions durent quarante-cinq minutes, pour laisser le temps de se déconnecter entre deux réunions et de répondre à ses mails. Sinon la réunion suivante démarre avec dix minutes de retard et pour que que vous soyez 10 participants, ça fait 100 minutes de perdues pour l’entreprise. »

4 – Changer régulièrement de lieu

« Dans dix ans, on ne se dira plus le matin « je vais au boulot » mais on se demandera ce qu’on a à faire et on choisira l’endroit le plus adapté pour le faire. Un endroit calme pour se concentrer, un lieu vivant pour collaborer… », estime Clément Alteresco, patron de Morning, leader français des espaces de coworking. « Les études montrent que nous avons trois types d’activités au quotidien : la réflexion, l’action et la relation, ajoute Jean-François Marvaud, directeur pédagogique pour HEC Paris Executive Education, conférencier à Sciences-Po Paris et directeur associé de Stratex, cabinet conseil en exécution stratégique et en management. Ce qui est important en télétravail, c’est de bien se connaître pour savoir à quels moments on est le plus efficace en fonction de ces trois types d’activités.

Et ce qui est intéressant, c’est aussi de varier les lieux, car changer d’environnement permet de changer de dynamique et de retrouver de la créativité. » Pour favoriser cette mobilité et ce nomadisme, le patron de Morning milite pour la création d’un « ticket bureau », équivalent du ticket restaurant, qui permettrait de se payer des heures de coworking ou de salles de réunions, avec un financement de l’employeur. « Quand on passe de zéro jour de télétravail à un jour par semaine, on peut se contenter de travailler chez soi. En revanche, dès qu’on passe à deux, trois jours ou plus en télétravail, on peut ressentir le besoin d’aller travailler de temps en temps dans un autre lieu que son domicile »,ajoute le spécialiste du coworking.

5 – Bien choisir son canal de communication

« Chez nous, on s’astreint à ne pas empiler les canaux de communication et d’information. Et il faut être très clair avec ses collaborateurs sur ceux qu’on utilise et dans quelles circonstances : le chat, le mail, le téléphone… » explique Olivier Brourhant, PDG de Mantu, cabinet de conseil en stratégie qui accompagne la transformation de plus de 1.000 clients, réalise plus de 560 millions d’euros de chiffre d’affaires et emploie 7.750 salariés, de 95 nationalités, répartis dans 60 pays. « Par ailleurs, le télétravail, c’est un réhausseur de goût qui met en relief tous les défauts des organisations, ajoute le PDG de cette entreprise 100% en télétravail depuis plus de dix ans. Chaque erreur va se payer cash, car chaque mot peut être interprété différemment et qu’il n’y a plus la machine à café pour corriger un éventuel malentendu ! Il faut donc faire à attention à tous les détails, bien peser chaque mot que l’on va dire. Pour éviter cela, nous utilisons, par exemple, un système d’envoi différé de nos mails : ils partent après un délai de deux minutes. Ça peut paraître anodin, mais ça permet de corriger quelque chose qu’on n’a pas bien écrit, ou qu’on a écrit trop rapidement. Ça permet également, en particulier quand on travaille à distance, de dépassionner une réponse qu’on aurait eu envie de faire de façon impulsive. Et ça marche plutôt pas mal. »

6 – Privilégier l’écrit

« Le télétravail oblige à formaliser les échanges, pour éviter qu’ils ne soient pas transmis en action », explique Jean-François Marvaud. « L’écrit permet aussi de mieux se focaliser sur ce qu’on fait : on choisit le moment où l’on peut être interrompu », ajoute Alexis Monville, directeur de l’équipe d’engineering de Red Hat, éditeur de solutions Open Source d’entreprise. Enfin, l’écrit permet d’améliorer les choses : certaines idées qui semblent brillantes à l’oral deviennent médiocres à l’écrit.

7 – Se garder des « temps protégés »

« Quand on travaille à la maison, l’intérêt, c’est de pouvoir se concentrer sur quelque chose. Or si vous êtes sans arrêt interrompu par des appels vidéos, votre journée n’est pas productive », affirme Frédéric Plais. « Il faut se garder des temps protégés pour pouvoir se concentrer, ajoute Alexis Monville. Les équipes doivent avoir des règles de disponibilités : on ne répond pas toujours immédiatement sur la messagerie instantanée et on utilise le téléphone si il y a vraiment une urgence. »

8 – Penser à ceux qui sont au bureau… et inversement

« Si on veut que le télétravail partiel fonctionne bien, il faut que les gens qui restent au bureau se comportent un peu comme s’ils étaient à la maison, conseille Frédéric Plais. C’est à dire qu’il ne faut pas qu’il y ait deux classes de salariés : ceux qui sont au bureau, qui sont au courant de tout et qui prennent les décisions. Et les autres, qui sont chez eux et qui subissent, et ont toujours l’impression d’avoir un train de retard. La solution pour ça, c’est de demander aux salariés au bureau de formaliser tout ce qui se passe de façon informelle. Que s’ils décident quelque chose à la machine à café, ils doivent ensuite le formaliser par écrit pour que tous leurs autres collègues soient au courant. »

9 – Faire faire aux gens ce qu’ils aiment

Pour Alexandre Pachulski, cofondateur de Talentsoft, avec le télétravail, « les managers doivent être extrêmement clairs sur ce qu’ils attendent de leurs équipes. Et en même temps, il faut encore plus s’adapter à ce que veulent les collaborateurs. Il faut s’intéresser aux appétences plutôt qu’aux compétences. Et pour cela, il faut être capable de faire preuve d’empathie et d’écoute, deux qualités manégériales indispensables à distance. Moi, ce que je conseille de faire, c’est de demander à chacun, quelque soit son niveau hiérarchique dans l’entreprise, de quoi as-tu envie et de quoi as-tu besoin ? »

10 – Faire en sorte d’être bien chez soi

Au début du confinement, Salesforce a versé une prime exceptionnelle de 230 euros à l’ensemble de ses salariés pour les aider à mieux s’équiper à domicile. « Cela leur a permis, par exemple, d’acheter une lampe, une souris, un répéteur Wifi ou encore un deuxième écran, pour être dans de bonnes conditions pour travailler », détaille Véronique Marimon, Chief of Staff Salesforce France. Autre initiative, celle de Nike qui propose un service de « télé-cantine » à ses salariés en télétravail. « C’est un système de livraison de repas à domicile pour les télétravailleurs, avec une prise en charge partielle de l’employeur, explique Victoria Benhaim, fondatrice d’i-lunch. Il suffit de passer commande sur notre appli et on livre une fois par semaine cinq repas ou un panier avec des produits issus de fermes urbaines et des recettes simples, qui permettent de manger frais et sain chez soi. »