Bamako, la capitale du Mali, a vibré samedi sous les honneurs militaires avec le lancement d’une force unifiée des armées de l’AES.
Le général Assimi Goïta a en effet présidé la remise de l’étendard à la Force unifiée de l’Alliance des États du Sahel (AES), marquant l’entrée en activité de cette coalition militaire regroupant le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
La cérémonie s’est déroulée en présence des plus hautes autorités civiles et militaires des trois pays, deux jours avant le deuxième sommet de la Confédération prévu dimanche dans la capitale malienne.
Ce moment consacre l’aboutissement d’un processus entamé depuis la Déclaration de Niamey du 6 juillet 2024. Les trois pays avaient alors formalisé leur volonté de mutualiser leurs capacités militaires face aux groupes terroristes qui ensanglentent le Sahel. Bref, les mots se transforment désormais en actes concrets. Le général de brigade Daouda Traoré, officier reconnu pour son expérience du terrain, prend les commandes de cette force multinationale forte de 5 000 hommes.
Des opérations déjà menées par la force unifiée des armées de l’AES
Contrairement aux apparences, la Force unifiée n’attendait pas cette cérémonie pour opérer. Les armées des trois pays ont déjà conduit des opérations conjointes envergure. Les campagnes Yéréko I et Yéréko II ont permis la neutralisation de plusieurs chefs terroristes et la destruction de sanctuaires criminels, selon les autorités maliennes. L’état-major commun, installé à Niamey sur l’ancienne base aérienne 101 de Barkhane, coordonne ces actions depuis plusieurs mois sous le commandement du colonel burkinabè Éric Dabiré.
Lors de la cérémonie, Assimi Goïta a insisté sur les menaces qui pèsent sur le Sahel. Elles ne se limitent pas au terrorisme. Les pressions économiques et les campagnes informationnelles constituent également des dangers pour la souveraineté des trois États. Enfin, la Confédération a créé une télévision, une radio et une presse écrite communes pour contrer ce qu’elle qualifie de désinformation.
Le ministre malien de la Défense, le général Sadio Camara, a rappelé une maxime qui structure la vision de l’Alliance. « La paix, la sécurité et la souveraineté ne se délèguent pas », a-t-il déclaré devant l’assistance. Cette phrase résume la philosophie qui anime les trois régimes militaires issus de coups d’État : Mali en août 2020, Burkina Faso en septembre 2022, Niger en juillet 2023.
Un contexte sécuritaire tendu
Pour rappel, les trois pays affrontent une insurrection terroriste qui dure depuis plus d’une décennie. Le groupe Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin et l’État islamique au Sahel multiplient les attaques contre les populations civiles et les forces armées.
Le Mali a récemment connu une crise d’approvisionnement en carburant, résultat direct d’un embargo imposé par le JNIM sur les convois. Le Burkina Faso et le Niger subissent également des offensives répétées dans leurs régions frontalières.
Les ministres de la Défense des trois pays se sont réunis à plusieurs reprises pour finaliser l’architecture de la Force unifiée. Une rencontre à Niamey début novembre avait permis de boucler les derniers détails. Les chefs d’état-major avaient défini les bases opérationnelles le 19 octobre.
Cette coordination rapprochée vise à combler les failles que les groupes armés exploitent dans les zones frontalières, notamment dans le Liptako-Gourma où se rejoignent les trois territoires.
L’étendard remis symbolise le sacrifice des martyrs civils et militaires tombés dans cette guerre sans fin apparente. Goïta a salué la résilience des populations sahéliennes et rendu hommage aux combattants blessés. Il a affirmé que « l’AES est une réalité irréversible », message politique adressé aux partenaires extérieurs et aux organisations régionales.
La cérémonie s’inscrit dans un contexte de rupture avec la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest. Les trois pays ont quitté la CEDEAO en janvier 2025, jugeant l’organisation incapable de répondre à leurs préoccupations sécuritaires.
Ils ont créé leur propre espace confédéral avec ses institutions : une banque d’investissement dont le lancement est prévu prochainement, un parlement en cours de mise en place, et désormais cette force militaire commune.
Le deuxième sommet des chefs d’État, prévu les 22 et 23 décembre à Bamako, devra consolider ces avancées et tracer la feuille de route pour 2026.