Après 4ans de prison pour blasphème, voici la nouvelle vie de l’athée le plus célèbre du Nigeria

Guinée

Crédit Photo : Actu.fr

Après quatre ans d’emprisonnement pour blasphème, le militant nigérian Mubarak Bala continue de défendre son athéisme, mais se fait plus discret au vu des menaces qu’il continue de recevoir « de toutes parts » dans sa région du nord du pays, musulmane et conservatrice.

Mubarak Bala, 40 ans aujourd’hui, avait été arrêté en avril 2020 pour avoir écrit des messages sur Facebook critiquant l’islam et son prophète.

Il avait été condamné en avril 2022 à 24 ans de prison par un tribunal qui avait estimé que ces messages pouvaient porter atteinte à l’ordre public dans le nord musulman conservateur du Nigeria, où la charia est appliquée parallèlement au droit commun.

Sa peine a finalement été commuée en mai dernier et la justice a ordonné sa libération, quatre ans après son arrestation.

« Je ne suis pas musulman et je n’ai pas honte de ne pas l’être », a déclaré par téléphone à l’AFP M. Bala, depuis un lieu tenu secret.

Depuis sa libération en août dernier, il vit toujours dans le nord du pays le plus peuplé d’Afrique mais il reste discret, tant il craint d’être pris pour cible par des « fanatiques religieux ».

« Les fanatiques sont toujours là. Ils pensent que je ne devrais pas être en vie. Je reçois des menaces de toutes parts », a-t-il affirmé.

« Stratégie de survie »

Mubarak Bala, issu d’une famille musulmane pratiquante de Kano, a renoncé à l’islam et s’est publiquement déclaré athée.

Président de l’Association des humanistes du Nigeria, ses critiques de l’islam avaient été jugées blasphématoires par de nombreux musulmans.

Le blasphème, qui est passible de la peine de mort en vertu de la charia, est une question sensible et complexe dans le nord du Nigeria.

Dans de nombreux cas, les accusés sont lynchés par la foule sans passer par une procédure judiciaire.

A l’époque de son procès, Bala a plaidé coupable des accusations de blasphème, contre l’avis de son avocat. Une « stratégie de survie », pour ne pas risquer d’être libéré et de subir le même sort que Gideon Akaluka, lynché à mort par la foule en 1996 pour avoir porté atteinte au Coran.

Pour survivre en prison, Bala a dû jouer la « carte de la religion » en prétendant être musulman, car un prisonnier qui s’afficherait athée peut être menacé par ses codétenus ou le personnel de l’établissement pénitentiaire de Kano.

« Lorsque vous avez 2.000 détenus musulmans dans une prison de Kano et que vous êtes un athée notoire, vous n’avez même pas besoin de blasphémer ou de dire quoi que ce soit contre la religion pour être en danger », a-t-il expliqué à l’AFP.

Politique

Le fait de plaider coupable et d’être condamné a permis à Bala de devenir un « condamné fédéral » sous la protection du gouvernement fédéral et non plus un prisonnier de l’État de Kano. Et de demander son transfert vers une prison « plus sûre » à Abuja, la capitale du Nigeria, où il a attendu que la cour d’appel se prononce sur son recours.

Désormais sorti de prison, M. Bala a déposé un recours devant la Cour suprême, contestant son « enlèvement » à son domicile en 2020 par les autorités de l’État de Kano.

« J’estime qu’il s’agit d’une grande injustice, d’une faute grave et d’une erreur judiciaire », a-t-il expliqué.

Selon lui, son expérience carcérale lui a ouvert les yeux sur « le monde de l’intérieur », un atout qu’il compte mettre à profit le jour où il se lancera en politique.

Car malgré les difficultés que pose son athéisme, M. Bala espère atteindre des « fonctions politiques élevées » dans l’Etat de Kano, et ce « pour changer le système ».

« Je n’ai jamais nié que j’étais un homme de Kano. C’est ici que je vis et j’espère y mourir dans mes vieux jours », conclut-il.

Avec AFP