La candidature d’Olaf Scholz à sa réélection après l’implosion du gouvernement allemand soulève des interrogations jusqu’au cœur de son parti social-démocrate qui dispose d’un jocker prometteur avec le ministre de la Défense Boris Pistorius.
« Scholz est le mauvais candidat » cingle Der Spiegel, « Qui va le dire au chancelier? » se demande l’hebdomadaire Die Zeit : les médias ne sont pas tendres avec le chancelier de 66 ans en lice pour les élections législatives anticipées du 23 février 2024.
Jusqu’ici, les cadors du SPD serrent les rangs derrière le dirigeant, dont la coalition avec les Verts et les libéraux du FDP a volé en éclat pour cause de différends devenus insurmontables en matière de politique économique et budgétaire.
La co-présidente du plus vieux parti d’Allemagne l’a redit jeudi: « Olaf Scholz est notre candidat à la chancellerie et c’est avec lui que nous allons aux élections« , a déclaré Saskia Esken à Politico.
– Un « lourd fardeau » –
Le chef du groupe parlementaire du SPD Rolf Mützenich a reconnu quelques « grognements » de sociaux-démocrates locaux réclamant que Scholz cède la place à Pistorius.
Mais la grogne est plus prononcée: « les cadres du SPD sont aussi inquiets », croit savoir Die Zeit.
Le chancelier, dont le parti pointe à 15% dans les sondages, espère effectuer une remontada similaire à celle de 2021.
Les conditions ont toutefois changé. D’une part, les conservateurs font cette fois bloc derrière leur candidat. D’autre part, « il a échoué en tant que chancelier », estime Der Spiegel, et représente ainsi, en tant que candidat, « un lourd fardeau pour le parti », juge-t-il.
Selon un sondage Forsa, seuls 13% des électeurs pensent que le SPD devrait se présenter avec lui tandis que 58% plaident en faveur de Boris Pistorius.
L’ancien élu régional de Basse-Saxe, propulsé ministre de la Défense en janvier 2023, caracole de longue date en tête des classements de popularité, toutes couleurs politiques confondues.
Energique, avenant, parlant clair, cet homme de 64 ans détonne face à l’austère Olaf Scholz, champion des circonvolutions.
Boris Pistorius est donné gagnant non seulement contre ce dernier, si les Allemands pouvaient élire directement leur chancelier, mais aussi contre Friedrich Merz, le chef de l’opposition conservatrice CDU/CSU, créditée de quelque 32% des voix dans les sondages.
A ce stade, le ministre s’affiche en soldat loyal: « Nous avons un chancelier fédéral, et c’est le candidat désigné à la chancellerie« , a-t-il encore récemment mis au point.
– « Un vrai défi » –
Une candidature de Boris Pistorius représenterait « un vrai défi » pour ses concurrents, reconnaît le libéral Wolfgang Kubicki.
Classé dans le camp « des sociaux-démocrates conservateurs » et partisan d’une aide accrue à l’Ukraine contre l’invasion russe, le ministre ne fait pourtant pas l’unanimité dans un SPD toujours imprégné de pacifisme, position très répandue en Allemagne depuis les horreurs du nazisme.
Ce juriste de formation, qui ne cesse d’alerter sur la menace russe, avait choqué les camarades après avoir dit vouloir rendre à la Bundeswehr, l’armée allemande négligée depuis la fin de la guerre froide, sa « capacité à faire la guerre ».
Il se voit aussi reprocher son absence d’expérience en tant que chancelier, qu’il partage au passage avec Friedrich Merz.
Si ce dernier juge que le SPD est dans une « situation difficile » à cause de son impopulaire leader, il ne compte pas sur un retrait de dernière minute, comme Joe Biden aux Etats-Unis : « Ils devront bon gré mal gré se présenter aux élections fédérales avec Olaf Scholz« , a-t-il estimé mercredi.
L’éventualité d’un changement de candidat est mince, juge aussi Ursula Münch, directrice de l’Académie pour l’éducation politique de Tutzing (sud), même si ce serait « la bonne chose à faire étant donné l’échec d’Olaf Scholz en tant que chancelier ».
Un retrait est « peu probable », dit-elle à l’AFP, car Scholz « montrerait ainsi qu’il ne voit plus aucune chance pour le SPD de gagner les élections ».
D’autant qu’un retournement de tendance en faveur du SPD dans la foulée serait « extrêmement improbable », selon elle.
Selon les projections actuelles, le nouvel exécutif a toutes les chances d’être mené par les conservateurs, avec éventuellement les sociaux-démocrates comme partenaires de coalition.
Avec AFP