Aliko Dangote : « L’Afrique ne va plus importer de… »

Aliko dangote

Crédits photo : Jeune Afrique / © DENIS/REA

L’homme d’affaires du Nigéria, Aliko Dangote, annonce une révolution pour l’agriculture africaine.

Selon lui, le continent pourrait devenir totalement autonome en matière d’engrais dans les quatre prochaines années. Cette déclaration pleine d’audace soulève des questions importantes sur l’avenir agricole de l’Afrique.

Dangote a fait cette annonce le 27 juin dernier lors des assemblées générales d’Afreximbank à Abuja. L’industriel milliardaire promet que « dans les 40 prochains mois, l’Afrique n’importera plus d’engrais de nulle part ». Il vise même à faire de son groupe le premier producteur mondial d’urée, dépassant ainsi le Qatar.

Sa vision repose sur des investissements massifs déjà en cours. Et pour cause, depuis 2021, l’usine Dangote au Nigeria produit 3 millions de tonnes d’urée par an. Ce projet de 2,5 milliards de dollars transforme déjà le pays le plus peuplé d’Afrique. Le Nigeria exporte maintenant cet engrais azoté essentiel, alors qu’il l’importait auparavant.

L’urée représente l’un des engrais les plus utilisés mondialement. Elle apporte l’azote nécessaire à la croissance des plantes. L’usine nigériane a permis d’expédier 300 000 tonnes dès son quatrième trimestre de fonctionnement en 2021. Cette production utilise intelligemment les réserves locales de gaz naturel comme matière première.

Pourtant, l’objectif de Dangote semble très ambitieux face à la réalité du marché. L’Afrique produit actuellement 30 millions de tonnes d’engrais par an, soit plus du double de sa consommation selon la Banque africaine de développement. Cependant, le continent importe encore 2 millions de tonnes annuellement.

Cette situation paradoxale s’explique par la géographie de la production. Les grands producteurs africains se trouvent en Afrique du Nord et fabriquent surtout des engrais phosphatés. Ces produits partent vers les marchés internationaux plutôt que vers les autres pays africains. Ainsi, l’Afrique subsaharienne doit importer les engrais azotés et potassiques dont elle a besoin.

L’initiative de Dangote comble partiellement cette lacune. Son complexe industriel intégré valorise les ressources locales et réduit les coûts. D’autres entreprises suivent cette voie, comme Indorama qui exploite une usine de 1,4 million de tonnes dans l’État de Rivers.

Dangote prévoit d’étendre sa capacité pour surpasser les 5,6 millions de tonnes annuelles de Qatar Fertiliser Company. Cette expansion renforcerait considérablement l’offre africaine en engrais azotés.

Néanmoins, des défis majeurs subsistent. L’autosuffisance complète nécessite aussi des engrais potassiques comme le chlorure de potassium. Or, 70% des réserves mondiales de potasse se trouvent dans l’hémisphère nord, principalement au Canada, en Russie et en Biélorussie.

L’Afrique développe timidement cette filière. Au Congo, le projet Kola de Kore Potash vise 2,2 millions de tonnes par an. Après plusieurs reports, la construction devrait débuter en janvier 2026 grâce à un financement de 2,2 milliards de dollars.

L’enjeu dépasse la simple production industrielle. L’Afrique utilise actuellement moins d’engrais que toute autre région mondiale. Cette faible utilisation limite les rendements agricoles et la sécurité alimentaire. L’autosuffisance en engrais pourrait transformer l’agriculture africaine et réduire la dépendance alimentaire du continent.

Les prochaines années révéleront si l’optimisme d’Aliko Dangote se concrétise. Son pari pourrait effectivement changer l’agriculture en Afrique, mais il nécessite des investissements colossaux et une coordination continentale sans précédent.

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