Afrique du Sud : le pays confronté à une brûlante question de logement avant les élections

Crédit photo : Le Monde

D’un côté, des maisonnettes en briques. De l’autre, un bidonville. Entre les deux quartiers séparés par une route, dans le centre de l’Afrique du Sud, des tensions ont récemment éclaté faisant resurgir à quelques mois des élections la difficile question du manque de logements.

Mardi en fin de journée, des relents de gaz lacrymogènes flottent dans l’air de cette banlieue de Bloemfontein, a constaté un journaliste de l’AFP. Une barricade de pneus brûlés sépare des rangs de policiers accompagnés de véhicules anti-émeutes et des occupants du quartier résidentiel brandissant des piquets de bois.

Des patrouilles d’auto-défense composées de voisins circulent à la nuit tombée. Ceux-ci accusent les occupants des baraquements en tôle ondulée de détourner la fourniture en eau et pirater les branchements électriques.

Pour Tshegofatso Tshabalala, 38 ans, le problème est clair: elle et ses voisins remboursent un prêt, paient leurs taxes et leurs factures. Ceux de l’autre côté de la route s’emparent des terres en apportant avec eux criminalité et insécurité.

« Nous sommes des familles de travailleurs« , lâche-t-elle à quelques mètres des gyrophares bleus tournoyants de la police, qui tente d’empêcher que la situation ne s’embrase. Vêtue d’un short, la femme noire dit à moitié sérieuse « s’ils viennent jusqu’ici, je pars en courant« .

Trente ans après l’avènement de la démocratie, la propriété terrienne et l’accès au logement restent des questions difficiles pour nombre des 62 millions de Sud-Africains. Le sujet, reflet d’inégalités toujours plus grandes dans la première puissance industrielle du continent et des échecs du parti historique au pouvoir depuis la fin de l’apartheid (ANC), remonte régulièrement à la surface avant les prochaines élections générales.

Quelque 27,5 millions d’électeurs sont appelés à voter le 29 mai pour renouveler leur Parlement qui désignera le prochain président. Selon les enquêtes d’opinion, le Congrès national africain (ANC) pourrait pour la première fois perdre sa majorité absolue dans un contexte socio-économique morose marqué par un chômage endémique et une pauvreté croissante, et se voir contraint à former un gouvernement de coalition.

Terrain politique

La justice a récemment interdit l’installation de nouvelles baraques de fortune dans le bidonville déjà tentaculaire, notamment pour tenter d’endiguer les tensions. Mais mercredi matin, les constructions allaient encore bon train.

« J’ai un bébé qui arrive« , explique à l’AFP Felicia Legetla. A 31 ans, elle raconte vivre chez sa grand-mère et devoir désormais trouver une solution. Comme des milliers d’autres, elle espère obtenir un bout de terrain dans le quartier informel et pouvoir y monter une cabane.

Les occupants des lopins de terre sont listés de manière informelle par une organisation de la société civile baptisée SANCO, proche de l’ANC. Des centaines de demandeurs munis de leur pièce d’identité font la queue sous le soleil brûlant, espérant pouvoir inscrire leur nom sur la fameuse liste qui doit ensuite être déposée à la municipalité pour l’octroi d’une parcelle.

A mesure que le bidonville s’étend loin de Bloemfontein, il empiète sur des terres agricoles appartenant à des paysans blancs.

Certains accusent l’ANC de reloger des gens sur ces terres pour obtenir des voix dans une circonscription détenue par le premier parti d’opposition, l’Alliance démocratique (DA), encore largement perçu comme un mouvement blanc.

« On ne peut pas laisser les gens s’emparer des terres« , a fustigé le représentant local de la DA, Roy Jankielsohn.

« Dès que les gens auront construit des habitations informelles, ils réclameront de l’eau et de l’électricité, ce que la municipalité ne peut pas leur fournir. Et ce sont eux qui brûleront ensuite des pneus, parce qu’ils n’ont pas accès aux services« , met-il en garde.

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Avec AFP