L’Afrique du Sud a annoncé une augmentation des taxes mais aussi une plus large distribution des aides sociales, comme lignes directrices du budget annuel du gouvernement présenté au Parlement mercredi, trois mois avant des élections générales à risque pour l’ANC au pouvoir.
Le ministre des Finances Enoch Godongwana s’est adressé aux parlementaires au Cap dans un discours retransmis en direct à la télévision, au lendemain de l’annonce par le président Cyril Ramaphosa de la date des prochaines élections générales, fixées au 29 mai.
Dans un contexte social et économique morose, le Congrès national africain (ANC) au pouvoir depuis l’avènement de la démocratie dans le pays en 1994, pourrait pour la première fois perdre sa majorité absolue au Parlement et se retrouver contraint de former un gouvernement de coalition, selon les enquêtes d’opinion.
Chômage endémique (32,1%), pauvreté grandissante et inégalités croissantes dans la première puissance industrielle du continent comptant 62 millions d’habitants alimentent en effet un mécontentement grandissant qui pourrait se traduire dans les urnes.
« Les performances économiques de l’Afrique du Sud ont été faibles et des décisions difficiles sont nécessaires pour garantir la croissance de l’économie et la création d’emplois », a déclaré M. Godongwana.
L’impôt sur les revenus ne sera pas directement impacté mais le ministre a annoncé une décision du gouvernement de n’adapter ni les tranches d’imposition, ni les dégrèvements à la forte inflation, ce qui induira une hausse mécanique des taxes pour certains foyers.
Les taxes sur l’alcool et le tabac seront également revues à la hausse, pouvant aller respectivement jusqu’à 7,2% et 8,2%.
« Le gouvernement tire le meilleur parti de ressources très limitées », a justifié le ministre.
Le Trésor a parallèlement annoncé une augmentation des aides sociales avec une hausse des dépenses calculée à 42 milliards de rands (2,2 milliards de dollars) au cours des trois prochaines années, pour apporter notamment un coup de pouce aux foyers les plus modestes face à l’inflation.
L’objectif du gouvernement est d’atteindre avec ces aides près de 20 millions de personnes, soit environ un tiers de la population, d’ici mars 2027.
« Survie politique »
Ces orientations budgétaires « montrent clairement que l’ANC donne la priorité à sa survie politique plutôt qu’à la viabilité des finances publiques », a estimé Aleix Montana, analyste pour la société de conseil et d’analyse des risques Verisk Maplecroft.
Une croissance économique faible estimée à 0,6 % en 2023 et à seulement 0,8% en moyenne au cours des dix dernières années a enraciné la pauvreté et un chômage endémique, avec des finances publiques étranglées par une lourde dette.
« Nous vivons avec 510 rands (27 dollars) par mois parce que nous sommes au chômage. Avec ça, il faut payer les frais de scolarité et acheter les livres », dit Yaziwe Kwebulana, 31 ans, parmi les quelques centaines de manifestants mercredi devant l’hôtel de ville au Cap protestant contre la vie chère.
Le remboursement de la dette publique devrait coûter au gouvernement 382 milliards de rands cette année (20,2 milliards de dollars), soit plus de trois fois ce que le pays au taux de criminalité parmi les plus élevés au monde dépense pour les services de police.
Pour faire passer le déficit de 4,9% du PIB pour l’année fiscale en cours à 3,3% en 2026-2027, le gouvernement prévoit par ailleurs de puiser dans les réserves de change de la Banque centrale à hauteur de 150 milliards de rands (7,9 milliards de dollars).
« La liquidation des réserves pour un gain à court terme augmentera les pressions inflationnistes, sapera la crédibilité de la politique monétaire », a fustigé dans un communiqué le premier parti d’opposition (DA).
L’Afrique du Sud prévoit également la mise en place d’un « impôt minimum mondial sur les sociétés » visant les multinationales avec un prélèvement de 15%.
Globalement, les dépenses du gouvernement devraient augmenter de près de 10% et la dette culminer à 75,3% du PIB dans deux ans, selon M. Godongwana.