En Afrique, la baisse de la production cotonnière a pesé lourdement sur la campagne 2024/2025, mettant un coup d’arrêt aux espoirs nourris après les bons résultats de la saison précédente.
Alors que la filière avait connu un regain encourageant en 2023/2024, les producteurs ont été confrontés cette année à une série de difficultés qui ont freiné leur élan. Les aléas climatiques, marqués par des épisodes de sécheresse et des précipitations irrégulières, ont perturbé le développement des cultures.
En parallèle, des problèmes phytosanitaires persistants, mal maîtrisés dans plusieurs zones, ont continué d’affaiblir les rendements.
D’après les données publiées le 16 juillet par le Programme régional de production intégré du coton en Afrique (PR-PICA), la récolte de coton graine dans l’espace CFA s’est élevée à 2,3 millions de tonnes, contre 2,6 millions lors de la campagne précédente, soit une baisse de 11,5 %. Ce recul a confirmé la fragilité de la reprise, dans un contexte où la filière tente encore de se stabiliser.
À l’origine de ce recul, plusieurs causes structurelles et conjoncturelles ont été identifiées par les acteurs du secteur. Tété Awokou, président du PR-PICA, a mis en avant les irrégularités pluviométriques dans la zone et les défis liés à la gestion des infestations parasitaires. « La campagne cotonnière 2024/2025 qui s’est achevée a été caractérisée dans les pays du Programme par des irrégularités pluviométriques et une pression parasitaire faible, à l’exception des jassides qui ont été présents sur tout le cycle du cotonnier avec des infestations moyennes à fortes », a-t-il souligné.
En outre, le PR-PICA a déjà évoqué dans son bulletin d’information publié en novembre 2024 l’impact des épisodes d’inondation qui ont affecté de nombreux pays producteurs d’Afrique de l’Ouest et centrale durant le second semestre de l’année 2024.
« Des cas d’inondations localisées ont été observés dans la plupart des pays en octobre, occasionnant des pertes de parcelles et des pourritures de capsules basales. Cette situation pourrait impacter négativement la production de coton graine attendue dans les pays », a averti alors l’organisation dans ce document.
Alors que la plupart des pays de la région ont vu leur production cotonnière reculer, le Sénégal et le Bénin ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Le Sénégal a fait état d’une hausse spectaculaire de 19,4 % de sa récolte, culminant à 15 514 tonnes, tandis que le Bénin a enregistré une progression plus modérée de 6,4 %, pour atteindre 637 697 tonnes.
Plus surprenant encore, le Sénégal a affiché une performance remarquable en matière de productivité, dépassant largement ses voisins malgré un volume total encore modeste. La deuxième puissance économique de l’UEMOA a vu son rendement bondir de 50 % par rapport à la saison précédente, pour s’établir à 1,26 tonne par hectare. Le PR-PICA a ainsi confirmé que ce niveau restait le plus élevé au sein de la zone CFA, où la moyenne s’est arrêtée à 960 kilogrammes par hectare.
Lors d’une interview donnée en mai 2025, Papa Fata Ndiaye, directeur général de la Société de développement et des fibres textiles du Sénégal (Sodefitex), a attribué ce succès à l’introduction de semences améliorées, fruits d’un partenariat stratégique avec le Brésil, troisième producteur mondial de coton après la Chine et l’Inde..
Bien que le Mali ait enregistré une baisse de 4,8 % de sa production, tombée à 656 751 tonnes, il a conservé son statut de premier producteur de coton de la région, juste devant le Bénin, dont la récolte a atteint 637 697 tonnes.
En revanche, la surprise est venue de la Côte d’Ivoire, qui s’est hissée à la troisième place avec un volume de 311 647 tonnes, dépassant ainsi le Cameroun. Selon les chiffres publiés par le PR-PICA, la première économie de l’UEMOA a été suivie de près par le Burkina Faso (292 660 tonnes) et le Cameroun (284 613 tonnes), relégué à la cinquième position.
Toutefois, ces trois pays ont également été touchés par une forte contraction de leur production, avec des baisses respectives de 21 % pour la Côte d’Ivoire, 24,4 % pour le Burkina Faso, et 27,8 % pour le Cameroun.
Dans la continuité de cette campagne difficile, la suivante, lancée en mai, a déjà été confrontée à des conditions préoccupantes. D’après M. Awokou, des perturbations pluviométriques ont été observées dans la plupart des pays, entraînant des taux de semis faibles à moyens au 30 juin 2025.
« Comparativement à la campagne 2024/2025, il est noté cette campagne, à la même date du 30 juin, une baisse des emblavures au Bénin (-79 327 ha), au Cameroun (-75 330 ha), en Côte d’Ivoire (-66 976 ha), au Mali (-22 599 ha) et au Tchad (-38 600 ha). Par contre, une hausse a été enregistrée au Burkina Faso (+29 302 ha), au Sénégal (+6 471 ha) et au Togo (+129 ha) », a précisé le PR-PICA dans sa note d’information.
Pour l’heure, il reste encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives sur l’issue de cette nouvelle campagne. Néanmoins, ce premier bilan a déjà laissé entrevoir des performances inégales à travers la région.
Face à ces incertitudes, le PR-PICA a misé sur le maintien des prix d’achat bord champ pour encourager les producteurs à poursuivre leurs efforts.
« Par rapport aux prix de la campagne précédente (2024/2025), les prix d’achat du kg de coton graine pour cette campagne sont au maintien dans l’ensemble des pays, excepté le Cameroun où une baisse de 10 FCFA a été enregistrée », a conclu la note du PR-PICA.
En somme, la campagne 2024/2025 a confirmé que la baisse de la production cotonnière en Afrique s’est inscrite dans une tendance régionale marquée par de nombreux aléas. Si certains pays comme le Sénégal, le Bénin ou encore la Côte d’Ivoire ont affiché des performances encourageantes, la filière dans son ensemble a été confrontée à des défis persistants, qu’ils soient climatiques, techniques ou économiques.
À l’aube d’une nouvelle campagne déjà placée sous tension, les incertitudes demeurent nombreuses, mais les efforts conjoints en matière d’encadrement, de politiques de prix et de recherche variétale laissent entrevoir quelques pistes d’espoir pour une reprise plus durable du coton africain.