Le Sénégal a collecté 2 987,9 milliards de francs CFA de recettes fiscales entre janvier et septembre 2025. Le chiffre représente 72,9 % de la cible annuelle fixée à 4 099,6 milliards. Une performance documentée dans le rapport trimestriel d’exécution budgétaire publié en novembre par le ministère des Finances. Les autorités enregistrent une progression de 211,1 milliards par rapport à la même période en 2024.
Les impôts directs expliquent en partie cette dynamique. Ils atteignent 1 172 milliards de francs CFA, soit un taux de réalisation de 81,9 % par rapport aux prévisions annuelles. L’impôt sur les sociétés et l’impôt sur le revenu contribuent principalement à cette collecte. L’impôt sur le revenu des valeurs mobilières et l’impôt sur les capitaux mobiliers renforcent également les rentrées fiscales.
Les impôts indirects complètent le tableau avec 1 661,2 milliards de francs CFA. Ce montant correspond à 67,2 % de l’objectif annuel de 2 470,7 milliards. La progression s’établit à 5,5 % en glissement annuel. Ces prélèvements proviennent essentiellement des taxes sur les biens et services. La taxe spéciale sur le ciment et la taxe sur les contrats d’assurance ajoutent leur quote-part.
Les recettes non fiscales ne sont pas en reste. Elles s’élèvent à 214,2 milliards de francs CFA, représentant 75,8 % de la cible annuelle de 282,7 milliards. Bref, une collecte qui fonctionne sur plusieurs registres simultanément. Les redevances domaniales, les dividendes des entreprises publiques et divers produits financiers alimentent cette catégorie.
Le contexte macroéconomique offre quelques explications. Le ministère des Finances note que la croissance du PIB reste soutenue, portée notamment par l’exploitation des hydrocarbures depuis le début de l’année. Les champs de Sangomar et Grand Tortue Ahmeyim ont commencé leur production commerciale au premier trimestre 2025. Cette mise en exploitation génère des revenus fiscaux supplémentaires, même si les premiers barils tardent encore à produire tous leurs effets escomptés sur les finances publiques.
Pourtant, l’endettement demeure un sujet sensible. Le Fonds Monétaire International estime que la dette publique totale, y compris celle des entreprises d’État, atteignait 132 % du PIB fin 2024. Le pays figure désormais parmi les plus endettés d’Afrique subsaharienne. Les arriérés intérieurs de paiement représentent environ 4 % de cette masse. Les agences de notation S&P et Moody’s ont dégradé la note souveraine du Sénégal dans la catégorie spéculative. Une sanction qui rend les emprunts plus coûteux sur les marchés internationaux.
Le gouvernement négocie actuellement un nouvel accord avec le Fonds Monétaire International après la suspension du programme de 1,8 milliard de dollars conclu en 2023. L’institution reproche au régime précédent des « déclarations erronées significatives » sur les déficits budgétaires et la dette publique entre 2019 et 2023. Edward Gemayel, chef de mission du FMI à Dakar, qualifie le cas sénégalais d’inédit en Afrique. « On n’a jamais vu une dette cachée de cette importance », affirme-t-il.
Le Premier ministre Ousmane Sonko a déclaré lors d’un rassemblement à Dakar le 8 novembre que les discussions avec le FMI avaient été « ardues ». Il rejette toute restructuration de la dette, qu’il assimile à une faillite nationale. L’économiste Moubarack Lo préfère parler de « tensions » financières plutôt que de crise à ce stade. Les investisseurs manquent néanmoins de visibilité. Enfin, le climat d’affaires s’en ressent avec des hésitations sur les projets d’envergure.
Le déficit budgétaire s’établit à 1 059 milliards de francs CFA à fin septembre, soit 4,88 % du PIB. Un niveau inférieur à la cible annuelle fixée à 7,82 %. Les dépenses totales du budget général atteignent 4 313 milliards, correspondant à 67,8 % des prévisions de la loi de finances rectificative. Les dépenses ordinaires représentent 3 220,8 milliards, tirées par les transferts courants et la masse salariale. Les charges de la dette s’élèvent à 705,7 milliards.
L’exécution des dépenses en capital reste le point faible avec 1 092,2 milliards réalisés, soit 56,4 % des prévisions. Les investissements sur ressources internes affichent un taux d’exécution de 71,4 % contre 49,9 % pour ceux financés sur ressources externes. Les investissements directs de l’État demeurent faibles avec seulement 40,8 milliards exécutés. Cette sous-performance pèse sur les infrastructures et les projets de développement.
Le gouvernement mise sur une consolidation budgétaire pour le dernier trimestre 2025. Les autorités entendent intensifier la mobilisation des recettes fiscales et non fiscales. L’accélération de l’exécution des investissements figure parmi les priorités annoncées. Le Document de Programmation Budgétaire et Économique Pluriannuelle 2025-2027 table sur 14 731,2 milliards de recettes fiscales sur trois ans. Un objectif ambitieux dans un contexte où les prévisions ont été revues à la baisse de 1 296,5 milliards par rapport aux projections antérieures.
Le secteur privé proteste contre les hausses d’impôts. Les entreprises dénoncent un « acharnement » qui complique leur accès au crédit international. La dégradation de la note souveraine en octobre dernier a ravivé les tensions. Le gouvernement Faye-Sonko maintient pourtant sa stratégie de financement domestique. Le plan de redressement économique et social présenté en août prévoit un financement à 90 % par des ressources internes. Une orientation qui suppose des ponctions fiscales accrues.
L’ancien président Macky Sall conteste les accusations de dissimulation. Il a constitué une équipe d’avocats franco-sénégalais, incluant le cabinet parisien FTMS. Il réclame l’accès aux rapports financiers complets. Les auditions dans cette affaire mobilisent l’attention politique à Dakar. La justice examine les responsabilités dans la gestion des deniers publics entre 2019 et 2024.
Les recettes de trésorerie ont été mobilisées à hauteur de 3 655,8 milliards de francs CFA au 30 septembre. Les levées sur les marchés financiers représentent 2 775,1 milliards, soit 73,6 % des prévisions annuelles. Le Sénégal emprunte sur le marché sous-régional à des taux élevés en attendant un accord avec le FMI. Ces emprunts permettent de payer les salaires, les charges de fonctionnement et de rembourser les échéances de la dette. Une situation inconfortable qui rappelle l’urgence d’un rétablissement de la confiance des créanciers.