Même si les réserves d’or des pays d’Afrique de l’Ouest sous la BCEAO ont explosé, il n’en reste pas moins qu’elles sont conservées à l’extérieur du continent ; plus précisément en France, à Paris.
La valeur des avoirs en or de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a en effet connu une hausse spectaculaire en 2024, franchissant la barre symbolique des 2530 milliards de francs CFA (4,37 milliards de dollars).
Cette progression de 38% par rapport aux 1831 milliards FCFA enregistrés l’année précédente s’explique principalement par l’envolée du cours de l’once d’or, passé de 1,2 à 1,66 million FCFA, tandis que le volume des réserves est resté relativement stable à 1,52 million d’onces.
Les réserves d’or des pays d’Afrique de l’Ouest gardées en France
Un fait marquant demeure toutefois la localisation géographique de ce trésor. Selon les données officielles, seulement 120 000 onces, soit moins de 8% du stock total, sont physiquement entreposées au siège de l’institution à Dakar.
La part la plus importante, représentant plus d’un million d’onces valorisées à 1756 milliards FCFA (environ 70% du stock total), est déposée à la Banque de France, principalement dans ses coffres hautement sécurisés de La Souterraine, dans le 1ᵉʳ arrondissement de Paris.
Cette seule réserve française a généré en 2024 une plus-value latente de 485,6 milliards FCFA, sur les 700 milliards de revalorisation globale du stock d’or de la BCEAO sur l’année. Un effet comptable significatif qui vient renforcer discrètement les fonds propres de l’institution sans gonfler artificiellement son résultat net.
« L’or de la BCEAO est en grande partie entreposé dans les coffres de la Banque de France, réputés pour leur haut niveau de sécurité. Ce choix, qui remonte aux fondements du système monétaire ouest-africain, continue de jouer un rôle important : il renforce la crédibilité de l’Union sur les marchés internationaux et rassure les partenaires financiers sur la traçabilité et la solidité de ses réserves », explique un économiste ouest-africain aux micros de nos confrères de l’Agence Ecofin.
L’expert poursuit : « La Banque de France valorise en effet ces avoirs à leur prix de marché. La réserve contribue également à garantir la convertibilité illimitée du franc CFA en euro, un principe fondateur du régime de change fixe de l’UEMOA ».
Cette centralisation massive des réserves d’or Afrique France fait régulièrement l’objet de critiques, notamment de la part de mouvements panafricanistes et de certains économistes, qui y voient un symbole persistant de dépendance postcoloniale.
Le fait que la majorité des avoirs en or soit conservée hors du continent alimente le débat sur la souveraineté monétaire réelle des huit États membres de l’Union, malgré les récentes réformes concernant notamment le compte d’opérations et la présence française dans la gouvernance de l’institution d’émission.
Ces changements sont jugés insuffisants par de nombreux observateurs et acteurs politiques. Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a d’ailleurs menacé de distancer son pays de la monnaie commune si la réforme n’était pas accélérée, illustrant les tensions persistantes autour de cette question symbolique et stratégique.
La Banque de France n’est cependant pas la seule institution à abriter le métal jaune ouest-africain. La Banque des règlements internationaux (BRI) conserve près de 106 000 onces, valorisées à 176,4 milliards FCFA.
Le stock détenu auprès de la BRI a toutefois enregistré un recul net en 2024, une partie ayant été redéployée vers des opérations de placement en or, conformément à la nouvelle stratégie de gestion active initiée par la BCEAO depuis 2023.
Fin 2024, environ 200 000 onces étaient ainsi engagées dans des opérations de placement, pour tirer un meilleur rendement d’un actif longtemps statique. À ce titre, les opérations de placement en or ont contribué pour 37 milliards FCFA à la revalorisation comptable de l’année, témoignant d’une approche plus dynamique dans la gestion de cette ressource stratégique.