11 des 20 économies mondiales à la croissance la plus rapide en 2025 sont en Afrique subsaharienne. C’est l’essentiel à retentir des propos d’Amadou Nicolas Racine Sy, économiste et conseiller du directeur dans le département Afrique du Fonds Monétaire International (FMI), où il travaille depuis plus de 24 ans, revient sur les perspectives économiques révisées d’avril 2025 pour l’Afrique subsaharienne.
Voici l’intégralité de son interview accordée à l’Agence Ecofin :
En 2024, le dernier trimestre a apporté de bonnes surprises dans plusieurs pays, ce qui nous a permis de réviser à la hausse nos prévisions pour cette année-là. Cependant, pour 2025, nous anticipons un ralentissement de la croissance régionale, principalement en raison de conditions mondiales turbulentes. En particulier, que l’incertitude autour des droits de douane américains entraîne une baisse de la demande extérieure globale. Nous avons dû réviser à la baisse les prévisions de croissance pour les principaux partenaires commerciaux de la région, comme la Chine et l’Union européenne.
Enfin, nous observons un durcissement des conditions financières, avec une forte augmentation des spreads souverains pour les pays africains.
Deuxièmement, nous prévoyons une baisse des prix des matières premières, notamment du pétrole. Cela pose problème pour les pays exportateurs de pétrole, même si les importateurs pourraient en bénéficier. Enfin, nous observons un durcissement des conditions financières, avec une forte augmentation des spreads souverains pour les pays africains. Ce ralentissement est problématique car il est inférieur au potentiel de croissance de la région, estimé entre 4 et 4,5 % en moyenne. Cela aggrave la pauvreté et complique la sortie du cycle de pauvreté pour les populations vulnérables. En termes de croissance par habitant, ce ralentissement freine la convergence vers les niveaux des pays plus riches, une convergence essentielle pour nos pays.
Vous avez raison, malgré une dégradation moyenne, les performances varient considérablement. Onze des vingt économies mondiales à la croissance la plus rapide en 2025 sont en Afrique subsaharienne. En 2024, le Niger et le Rwanda ont affiché les taux de croissance les plus élevés de la région. D’autres pays, comme le Bénin, l’Éthiopie, la République démocratique du Congo, la Guinée, le Sénégal et l’Ouganda, ont enregistré des croissances supérieures à 6 %, principalement grâce à des économies diversifiées, sauf pour la RDC et, dans une moindre mesure, la Guinée.
Nos économies sont très vulnérables aux chocs externes, sur lesquels les décideurs ont peu de contrôle. Nous conseillons de réduire les vulnérabilités macroéconomiques tout en répondant aux besoins de développement, dans un cadre socialement et politiquement acceptable. C’est un équilibre délicat. Il faut calibrer les politiques macroéconomiques et constituer des marges de manœuvre, comme des réserves budgétaires, même si cela est politiquement difficile. Comme l’a dit une ancienne directrice du FMI, « il faut réparer le toit quand le soleil brille ».
Constituer ces coussins de sécurité, par exemple en limitant les dépenses lors de hausses temporaires des revenus pétroliers, est une assurance contre les chocs. Les gouvernements ne sont pas seuls : le FMI, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et d’autres partenaires jouent un rôle. Mais le secteur privé, y compris les PME, doit être mobilisé en réduisant les obstacles réglementaires. Face à une croissance démographique rapide et aux besoins des jeunes en éducation et santé, accélérer ces réformes est impératif.