La Guinée Conakry lance un appel public à l’épargne qui marque une accélération dans sa stratégie de mobilisation des ressources internes. L’opération, débutée le 24 novembre, porte sur 1 500 milliards de francs guinéens, soit environ 172,6 millions de dollars.
La durée s’étend jusqu’au 24 décembre. Un mois, donc. Afriland First Bank a été désigné comme arrangeur et chef de file de cette cinquième émission depuis 2015. La banque mobilise les acteurs du système financier guinéen, mais également les particuliers et les entreprises. Chaque obligation a une valeur nominale de 5 millions de francs guinéens. Il y en a 300 000 au total.
Le rendement annuel atteint 11 %. Ce taux dépasse celui proposé par plusieurs pays voisins ces derniers mois. La maturité s’établit à cinq ans, avec un amortissement progressif du capital et un versement annuel des coupons. Les investisseurs, qu’ils soient individuels ou institutionnels, trouvent là une alternative aux bons du Trésor.
Le ministre de l’Économie et des Finances, Mourana Soumah, a rappelé que cette pratique mondiale permet de mobiliser des ressources longues pour financer les projets d’investissement. L’État cherche à réduire sa dépendance aux financements extérieurs tout en développant son marché des titres publics. Le format dématérialisé suit les pratiques appliquées depuis plusieurs années sur la place financière de Conakry.
Le contexte joue en faveur de cette opération. En septembre 2025, Standard & Poor’s a attribué à la Guinée sa première notation souveraine : B+ avec perspective stable. Cette reconnaissance place le pays sur le radar des investisseurs internationaux et ouvre la voie à une future diversification des sources de financement. La notation repose notamment sur les perspectives du projet Simandou, qui devrait propulser la croissance du PIB guinéen vers 10 % par an entre 2026 et 2028.
Bref, l’État ne se contente plus des circuits classiques. Les emprunts obligataires représentent désormais 8,2 % des ressources destinées au bouclage du budget, d’après les chiffres du ministère de l’Économie. Cette proportion pourrait progresser si les conditions économiques restent favorables. L’inflation, qui dépassait 11 % entre 2020 et 2022, est retombée à 3,5 %. Le déficit budgétaire devrait se maintenir sous les 3 % du PIB jusqu’en 2028, selon les projections de S&P.
Les souscripteurs bénéficient d’une exonération d’impôts et de taxes. L’opération vise aussi à élargir la base d’investisseurs locaux et à renforcer la structure du marché des capitaux guinéen. Les banques, les assurances et les grandes entreprises du pays ont déjà manifesté leur intérêt, selon les déclarations faites lors du lancement officiel à Conakry. Le premier vice-gouverneur de la Banque centrale de Guinée a d’ailleurs souligné la sécurité et la rentabilité de ce type de produit financier.
Enfin, cette levée de fonds s’inscrit dans le programme Simandou Vision 2040, qui ambitionne de transformer l’économie guinéenne en s’appuyant sur les revenus miniers. Ce plan prévoit 122 programmes et 36 réformes couvrant 14 secteurs d’activité. L’objectif : atteindre un PIB de 151 milliards de dollars et un PIB par habitant de 6 000 dollars à l’horizon 2040. Les autorités misent sur les infrastructures pour y parvenir, et l’emprunt obligataire constitue un des leviers de cette ambition.
Le pays accélère donc sa marche vers les marchés financiers, en s’appuyant sur des fondamentaux économiques qui ont convaincu les agences de notation. Reste à voir si les résultats seront à la hauteur des promesses.